Un prétendu déchiffrement des tablettes de l'île de
Pâques
par Jacques B.M. GUY
résumé
Le déchiffrement des tablettes de l'île de Pâques par
Fischer, qui a fait l'objet de rapports enthousiastes
y compris dans la presse scientifique (Nature, New Scientist),
est sans fondement. On ne saurait appeler " déchiffrement
" l'unique traduction proposée, d'une suite de trois signes,
mais tout au plus une " interprétation ". En outre, cette
interprétation contient à la fois un barbarisme (un emprunt
au tahitien) et un solécisme ; elle ne se trouve nulle
part dans les littératures orales pascuanes ou polynésiennes
; dire qu'un corps céleste peut être engendré par de vulgaires
animaux est contraire aux traditions où les procréateurs
sont des dieux, des déesses, des personnages mythiques,
parfois certes des animaux ou des éléments, mais toujours
personnifiés et jamais au pluriel. La démarche menant
à cette interprétation est incohérente, entachée de distortion
des données, d'eurocentrisme, d'erreurs de raisonnement.
Si cette interprétation était juste elle conduirait en
outre à un déchiffrement absurde d'une brève suite de
signes où, il y a quarante ans, Butinov et Knorozov avaient
vu une généalogie possible, du type " A, fils de B; B,
fils de C; C… ". Le prétendu déchiffrement de Fischer,
loin de contribuer à nos connaissances de la civilisation
pascuane, constitue plutôt une régression. Le battage
qui continue à se faire autour est d'ailleurs bien plus
la marque d'une opération publicitaire orchestrée que
d'un travail sérieux.
summary
On a Claimed Decipherment of the Easter Island Tablets.
Fisher's claim of having deciphered the Easter Island
writing (also known as rongorongo), enthusiastically reported
in some of the scientific press (Nature, New Scientist),
is groundless. One single reading is proposed, of a sequence
of just three glyphs, and that does not constitute a decipherment
by any strech of imagination. This reading contains at
once a barbarism (a Tahitian loanword) and a solecism
(this loanword is syntactically misplaced) ; it is not
corroborated anywhere in Easter Island or Polynesian traditions,
and its purport, by which a celestial body is engendered
by mere animals, pluralized to boot, goes against all
known Polynesian lore, where genitors are gods, goddenesses,
cultural heroes, sometimes animals or natural phenomena,
but always personalized, and never pluralized. The method
by which this reading is reached is incoherent, suffering
from overfitting the data, eurocentric reasoning, and
flawed logic. If correct, this "decipherment"
would lead to an absurd reding of a sequence of signs
identified forty years ago by Butinov and Knorozov as
compatible with a genealogy of the form "A, son of
B ; B, son of C ; C ...". The bias and incoherence
of Fischer's reasoning is further demonstrated in a letter
to the Journal of the Polynesian Society in which he argues
in twelve points, against Langdon, that the Easter Island
writing is of recent invention, triggered by the Spanish
visit in 1770. Fisher's claims, demonstrably baseless,
some contrary to fact, do not constitute an advancement
to our knowledge and understanding of the Easter Island
tablets and history ; rather a regression. The continuing
publicity around this decipherment bears all the allmarks
of a promotional campaign rather than of a work of scholarship.