Au commencement, racontent les I-Kiribati, était un contenant
que Naareau entrepris de casser, désireux d'animer le rien.
Déclinant, tout en chantant, l'identité des occupants de cette
boîte, Naareau permet à ces derniers de prendre forme, de
s'animer, de se redresser et de séparer le ciel et le sable.
L'île de Nikunau est née. Naareau s'empare ensuite de quelques
grains de sable qu'il jette au Nord, au Sud, à l'Ouest et
à l'Est. L'archipel est créé.
Comme nous l'apprend ce mythe cosmogonique, au départ était
l'indifférencié (le contenant) qui, par une coupure, celle
instituée par le langage - le chant -, permet aux choses d'être
nommées, classées et de prendre vie. Bien des mythes postulent
une indifférenciation originelle et racontent comment l'homme,
de par son activité classificatoire, a introduit des différences
et des relations au sein d'une totalité confuse et chaotique.
Ils expriment aussi la façon dont une population se situe
dans son environnement en définissant les limites géographiques
de son monde. Nikunau, la première île, n'est pas isolée,
elle est d'emblée saisie comme l'interface de l'autre : l'archipel.
On peut penser que Dumont d'Urville, lorsqu'il propose, le
27 décembre 1831, à la Société de Géographie, un découpage
de l'Océanie en quatre régions principales : l'Océanie occidentale
ou Malaisie, l'Océanie méridionale ou Mélanésie, l'Océanie
orientale ou Polynésie, enfin l'Océanie boréale ou Micronésie,
ne fait pas autre chose que d'introduire des discontinuités,
des entités, peut-être même des unités au sein d'une Océanie
indifférenciée. Une différence fondamentale subsiste pourtant
entre l'acte créatif de Naareau et celui entrepris par Dumont
d'Urville. Ce dernier en effet n'a pas fait naître la Micronésie
du néant : les 2500 îlots qu'il décide d'unir sous un seul
nom existaient déjà, tout comme leurs habitants. Est-ce étonnant
d'ailleurs, si ces insulaires - recréés - ne disposent pas
dans leur langue vernaculaire de terme pouvant désigner ce
même ensemble géographique ? Certes, aujourd'hui, les habitants
des différentes îles acceptent de s'auto-désigner Micronésiens,
autrement dit acceptent de plus en plus cette appartenance
qui leur a été signifiée du dehors. Mais en se nommant de
la sorte ne cherchent-ils pas, par le mot, à alimenter un
discours " du rassemblement, de la similarité qui permet non
plus des oppositions tribales mais des distinctions plus larges
" (Lory, 1983 : 746) ? Car si tel n'est pas le cas, quelle
identité culturelle collective recouvrirait cette entité géographique
?
Pour répondre à cette question, privilégions, tout d'abord,
la perspective archéologique et l'éventualité d'une origine
commune pouvant créditer la thèse de l'entité. Les premières
recherches effectuées en ce domaine remontent à 1949-1950.
C'est aux îles Mariannes et plus particulièrement à Saipan,
Tinian et Rota qu'Alexander Spoehr met au jour une poterie
à engobe rouge décorée d'impressions dans un niveau daté de
1527 ± 200 BC. La présence de ce type de céramique aux Philippines
laisse à penser que les Micronésiens occidentaux sont originaires
de cette partie du monde. Le passé de la Micronésie centrale
et orientale est beaucoup plus récent. Il remonte à 2000 ans.
Cette discontinuité entre, d'une part, la Micronésie occidentale
et, d'autre part, la Micronésie centrale et orientale, semble
refléter les deux grandes familles linguistiques rencontrées.
Les linguistes distinguent en effet le malayo-polynésien occidental
- auquel se rattache le chamorro des îles Mariannes et le
palau - du micronésien nucléaire, qui comprend la langue des
îles Marshall, Kiribati, Kosrae, le sous-groupe de Ponhpei
et la chaîne dialectale de Chuuk, dont l'origine pourrait
se situer au nord du Vanuatu.
Privilégions maintenant la perspective ethnologique. L'analyse
des structures sociales des diverses sociétés étudiées a révélé
une très forte prééminence du système de filiation de type
matrilinéaire, comme une prédominance de la terminologie de
parenté de type hawaiien. Cependant, aussi prépondérantes
soient-elles, ces structures sociales ne peuvent pas pour
autant être généralisées à toutes les sociétés. Ainsi, l'archipel
des îles Gilbert, les enclaves polynésiennes de Kapingamaragi
et Nukuoro, enfin les îles de Sonsorol et Tobi présentent
un système cognatique. Yap, Ulithi, Chuuk et Ponhpei ont une
terminologie de parenté de type crow, les Marshall et Nauru
de type iroquois. Un autre trait culturel fortement répandu
dans cette région est l'organisation sociale en district,
qui sont matérialisés par l'existence de maisons communes.
La ressemblance s'arrête là, puisque ces maisons sont hexagonales
à Yap et rectangulaires aux Carolines, ouvertes à l'ensemble
de la population aux Gilbert et réservées aux hommes aux Carolines.
Quant aux structures politiques, elles sont aussi diverses
que variées. Les gérontocraties des Gilbert du sud côtoient
des systèmes à rangs et à titres fondés sur des droits de
descendance plus ou moins linéaires et sur la primogéniture,
qui dépassent parfois le cadre de l'île comme aux Marshall
et à Yap.
Force est de reconnaître que la " Micronésie " recouvre une
réalité que la pluralité même des îles et des sociétés rencontrées
rend équivoque, et qui ne supporte pas autant de sens qu'on
le présumait. L'ensemble géographique " Micronésie " s'est
fait mythe, et sa nomination y a largement contribué, car
la seule prononciation du mot - Micronésie - " crée l'image,
produit le mythe et du même coup le fait fonctionner " (Augé,
1992).
Ce numéro spécial du Journal de la Société des Océanistes
nous fait découvrir une " Micronésie " sous un nouveau visage
: une Micronésie plurielle ; aussi plurielle qu'est sa vraie
réalité géographique : une myriade d'îles, une myriade de
sociétés, une myriade de conceptualisations du monde. Chaque
article ici présenté, suite au premier colloque européen sur
cette " Micronésie ", organisé par Beatriz Moral et moi-même,
révélera en effet à l'appui de recherches soit ethnographiques
soit archéologiques, la singularité de chaque société insulaire
étudiée, mettant enfin en valeur - en lumière - l'immense
diversité culturelle qu'offrent ses îles qui n'ont finalement
en commun que l'îléité et le principe qui l'anime : celui
d'inventer le monde, son monde.
Si l'application du qualificatif " micronésien " à l'ensemble
des habitants de cette région constitue une généralisation
abusive, Paul Rainbird nous révèle que cette généralisation-projection
issue de l'Occident n'est pas la seule dont ces habitants
sont les victimes. Ainsi en est-il de leur intégration dans
la grande classification des modes de pensées établie par
Deleuze et Guattari. Ces auteurs, on s'en souvient, avaient
ordonné les sociétés d'après deux grandes catégories de modes
de pensées : celui " en arbre " observé par les sociétés occidentales
s'opposant au mode de pensée " en rhizome " qui serait respecté
par les sociétés océaniennes. L'auteur montre qu'effectivement
les îliens de Palau ont recours à la métaphore du curcuma
et donc d'un rhizome pour ordonner leur univers. Cependant,
les catégories de pensée dont est investie la représentation
du rhizome est d'un tout autre ordre, celle-là même que Deleuze
et Guattari associaient à la pensée arborescente, à savoir
: la hiérarchie, la généalogie, la linéarité ! Tout en relançant
le débat sur l'illusion de la métaphore, comme sur l'utilité
de la recherche ethnographique, cet article confirme combien
les insulaires font preuve d'inventivité, signe de particularismes.
Les deux articles de Carmen Petrosian Husa et Beatriz Moral
consacrés aux manières dont les sociétés de Chuuk et des
îles " externes " de Yap gèrent le traitement de la sexualité
de la femme dans le cadre d'un système de filiation matrilinéaire
ne démentent pas ce singularisme propre à chaque île. Certes,
les deux sociétés exhibent la même ambivalence entourant l'identité
sexuelle de la femme et, au-delà, les rapports qu'elle entretient
avec son frère, père social de ses enfants et père génital
contraint à s'effacer devant la figure fraternelle de son
épouse. La femme de Chuuk et des îles " externes " de Yap
se fait double : femme-sœur et femme épouse-reproductrice,
ce qui rend l'enjeu de sa sexualité d'autant plus central
puisque de sa gestion dépend l'application du principe matrilinéaire,
et donc le maintien de l'ordre social. L'enjeu est donc immense
et il n'a pas échappé aux insulaires de ces îles qui voient
dans le vagin de la femme l'unique emblème de la sexualité,
sans doute aussi et pour reprendre A. Weiner (1992), une possession
difficilement aliénable.
Carmen nous montre ainsi comment la société des îles " externes
" de Yap investit le corps de la femme et ses parures vestimentaires
pour réglementer son identité comme sa sexualité. Elle s'intéresse
particulièrement à cette fameuse étoffe ou lavalava offerte
aux jeunes filles à leurs premières menstrues et dont le port
s'ajustera à leur cycle de vie comme aux relations que ce
même cycle leur imposera avec les deux figures masculines
: relation d'évitement avec le frère, abstinence sexuelle
avec l'époux pendant la période d'allaitement. Et c'est une
même dualité entre la femme sexuée (épouse) et la femme asexuée
(sœur) qu'exaltent les légendes érotiques et les péripéties
des héros culturels de la société de Chuuk décrits par Beatriz.
Son article révèle comment cette société parvient à maîtriser
cette ambivalence par le biais d'une gestion spatiale réelle
et imaginaire de la sexualité. Leur monde se voit ainsi départagé
entre la maison, l'espace consanguin où règne l'asexualité,
et l'ailleurs où la sexualité doit être confinée. Un ailleurs
assimilé à la clandestinité et qui s'étend au-delà des limites
que dessinent les côtes de l'île : les esprits de la mer comme
les esprits célestes participent de cette sexualité.
Nous le voyons, ces deux traitements de la sexualité féminine
et de l'ordre social, aussi différents soient-ils, n'en sont
pas moins complémentaires. Ils procèdent tous deux d'une gestion
de l'espace, celui du corps et celui de l'île qui ont en commun,
il est vrai, d'être confinés comme nécessairement ouverts
à l'extérieur.
C'est précisément à ce double phénomène spatial d'ouverture
et de fermeture observé sans contradiction par les insulaires,
que se consacreront les trois articles suivants. Ils évoquent
en effet combien les îles sont des lieux d'ancrage comme des
points de départ pour de longs voyages. L'article de Jean-Christophe
Galipaud nous initie au phénomène de l'enracinement et
de ses modalités. Ses fouilles archéologiques menées sur l'atoll
de Ahnd, témoignent de ce que les hommes se sont établis sur
les petits îlots qui bordent le rivage de Ponhpei, plutôt
qu'à l'intérieur des terres. Les données recueillies permettent
d'envisager un peuplement plus ancien, évalué à 2000 BP. Mon
propre article, réalisé en collaboration avec Erik Pearthree,
est lui résolument tourné vers la mer. Il recense et détaille
les pirogues à balancier de l'archipel des Carolines, et montre
combien les pirogues à balancier sont des outils de tous les
jours et participent à une économie quotidienne et roturière.
Il établit, à l'aide d'une simulation, que les habitants des
îles coralliennes ont des ressources en bois de marine suffisantes
pour subvenir aux coûts des voyages. Cette banalisation des
voyages permet de faire de la mer son alliée, d'organiser
un monde qui s'étend au-delà de son île, et aux navigateurs
d'assouvir leur désir de l'ailleurs. Cette ouverture des îliens
au monde de la mer favorise, peut-être plus qu'ailleurs, la
communication au sens propre comme au sens figuré. Elizabeth
Keating nous décrit la faculté qu'ont les habitants de
Ponhpei à s'enrichir de l'autre par le biais des emprunts
linguistiques et démontre que l'appropriation d'un concept
passe par une accommodation, une remodélisation.
C'est avec Teresa del Valle, pionnière de l'anthropologie
micronésienne en Espagne, que nous conclurons cet aperçu des
sociétés micronésiennes qui, j'espère, aura convaincu le lecteur
de la diversité qu'offrent ces îles et donc de tout l'intérêt
de s'y intéresser comme de la restituer, et non de l'uniformiser.
Aussi, pour lutter contre cette tentation, facilitée il est
vrai par l'efficacité symbolique du concept micronésien, Teresa
nous engage à réfléchir, à travers son parcours personnel,
sur l'importance de nos institutions scientifiques dans la
formation et la structuration de notre propre regard vis-à-vis
de l'autre.
Ce numéro spécial a voulu contribuer à cette remise en cause
en révélant combien cet autre, communément appelé Micronésien,
est un autre multiple, et qu'à trop vouloir lui imposer une
unité culturelle, nous réduisons d'autant l'extraordinaire
capacité qu'ont ces îles et leurs insulaires à cultiver leur
différence.
Références
Augé, M., 1992. Non-lieux. Introduction à une anthropologie
de la surmodernité, Seuil, Paris.
Lory, J. L., 1983. Formes d'organisation de l'espace, territorialité
et identité chez les Baruya de PNG. Information sur les Sciences
Sociales, 22 (4-5), pp. 721-747.
Weiner, A.B., 1992. Inalienable posessions. The paradox
of Keeping - While - Giving, University of California
Press, Berkeley.
* Archéologue, CNRS - CREDO, Marseille.
Je voudrais dédier cet avant-propos à Jean-Paul Latouche qui
m'a invité à découvrir et à me faire partager la richesse
des sociétés des îles Gilbert.
Forward
by Anne DI PIAZZA
In the beginning, according to the people of Kiribati, there
was a container which Naareau broke open, wishing to animate
the void. Reciting in song the identity of the occupants of
this box, Naareau permitted them to take form, to become animate,
to stand up and separate the heavens from the sand. The island
of Nikunau was born. Naareau then took some grains of sand
and threw them to the North, the South, the West and the East.
The archipelago was created.
As we understand this cosmological myth, in the beginning
everything was undifferentiated (in the container) which,
broken open by language - the song - allowed things to be
named, classified and to take life. Many myths postulate an
original undifferentiation and tell how man, by classification,
introduced differences as well as relations into a confused
and chaotic mass. They also express how people define the
geographic limits of their world. The first island, Nikunau,
is not isolated, it is emblematic of the interface with the
other, the archipelago.
One might think that when Dumont d'Urville proposed, to the
Société de Géographie on December 27, 1831, the division of
Oceania into four principal regions : occidental Oceania or
Malasia, meridonial Oceania or Melanesia, oriental Oceania
or Polynesia and finally boreal Oceania or Micronesia, he
did nothing other than introduce discontinuities, entities,
maybe even unities, into a previously undifferentiated Oceania.
There is a fundamental difference between the creative act
of Naareau and that undertaken by Dumont d'Urville. The latter
did not in fact give birth to Micronesia, these 2,500 islets
which he united under a single name already existed, as did
their peoples. Is it surprising by the way, if these (re)created
islanders do not have a vernacular term to designate this
same geographic assemblage ? Certainly today, the inhabitants
of these different islands designate themselves as Micronesians,
in other words they accept this foreign division applied from
outside. But by thus calling themselves, don't they seek,
through the name, to feed a discourse that strengthen " the
bringing together, the similarity which no longer allows tribal
oppositions, but greater distinctions " (Lory, 1983 :746)
? If this was not the case, what collective cultural identity
could extend throughout this geographic entity ?
To respond to this question, let us first turn to the archaeological
perspective and the likelihood of a common origin which would
support the thesis of unity. The first research in this field
was carried out from 1949-1950. It was in the Marianas islands,
more particularly on Saipan, Tinian and Rota that Alexander
Spoehr brought to light a red-slipped ceramic ware with impressed
decorations from a level dating to1527 ± 200 BC. The presence
of this same type of ceramics in the Philippine Islands indicates
that this was the homeland of the western Micronesians. The
prehistory of central and eastern Micronesia is much more
recent, only 2,000 years. This discontinuity between, on the
one hand western Micronesia and on the other central and eastern
Micronesia seems to reflect the distribution of two of the
main sub-groups of the Austronesian language family. Linguists
have distinguished " Western Malayo-Polynesian " which includes
the Chamorro language of the Marianas as well as Palauan from
" Nuclear Micronesian " which comprises the languages of the
Marshalls, Kiribati, Kosrae, the Ponapean sub-group and the
dialect chain of Chuukese. All of these perhaps originate
from northern Vanuatu.
Turning now to the ethnological perspective. An analysis of
the social structures of the diverse societies already studied
reveals the preeminence of the matrilineal descent system
and the predominance of the hawaiian type of kinship terminology.
However, as preponderant as they are, these social structures
do not allow generalization to all these societies. For example,
the peoples of the Gilberts, the Polynesian enclaves of Kapingamarangi
and Nukuoro as well as the islands of Sonsorol and Tobi have
a cognatic system. Yap, Ulithi, Chuuk, and Pohnpei have the
crow type, while the Marshalls and Nauru have the iroquois
type. Another widespread cultural trait in this region is
the organization of society into districts, indicated by the
existence of communal meeting houses. The resemblance stops
there, since such houses are hexagonal in Yap, rectangular
in the Carolines, open to the entire population in the Gilberts
and restricted to the men in the Carolines. Turning to political
structures, they too are diverse and varied. The gerontocracies
of the southern Gilberts are found alongside systems of ranks
and titles based on more or less lineal rights of descent
and primogeniture, which may even extend beyond a single island
as in the Marshalls and Yap. We need to recognize that the
term " Micronesia " covers a reality made equivocal by the
plurality of these islands and their societies, and does not
carry the meaning usually presumed. The geographic unit "
Micronesia " has become a myth, and using this label reifies
the myth. Simply saying the word - Micronesia - " creates
the image, produces the myth and at the same time makes it
function " (Augé, 1992).
In this special edition of the Journal de la Société des Océanistes,
we will discover " Micronesia " in a new light: a plural Micronesia;
as plural as its geographical reality : a myriad of islands,
a myriad of societies, a myriad of conceptualisations of the
world. All of the articles united here, come from the first
European Colloquium on "Micronesia" organized by Beatriz Moral
and myself. They show, through ethnographic and archaeological
research, the singularity of each island society, illuminating
the immense cultural diversity offered by these islands. Islands,
which in the end, share only a common insularity and its underlying
principle, each having constructed their own world.
If the application of the label "micronesian" to all the inhabitants
of this region constitutes an abusive generalization, Paul
Rainbird shows us that this generalization-projection is not
the only one which comes from the western world and is applied
erroneously to the islanders. Another is their integration
into the grand classification of modes of thinking established
by Deleuze and Guattari, who have ordered societies into two
modes of thought : 'tree' thinking found in western societies
as opposed to 'rhizome' thinking observed in oceanic societies.
Paul clearly shows how the Palau islanders use the metaphor
of turmeric and therefore a rhizome to order their world.
However, the characteristics of their mode of thought are
ones which Deleuze and Guattari associate with tree thinking,
that is to say : hierarchical, geneological, linear ! This
paper participates in the debate of the illusion of the metaphor.
It also demonstrates the value of ethnographic research, in
confirming the inventivness of the islanders and highlighting
their particularity.
The two articles by Carmen Petrosian Husa and Beatriz Moral
focus on the ways the societies of Chuuk and outer island
Yap manage the treatment of women's sexuality within the framework
of a matrilineal system without contradicting the particularity
of each island. Certainly the two societies exhibit similar
ambivalence concerning a woman's sexual identity, and beyond
that, the relationship she has with her brother, the social
father of her children, and with their biological father,
who is constrained to abase himself before the fraternal figure
of his spouse. A woman of Chuuk and outer island Yap is in
fact double : woman-sister, and spouse-reproducer, rendering
her sexuality central because its management depends on the
principle of matrilinearity, and therefore the maintenance
of social order. The interplay of these roles is therefore
immense and hasn't escaped the islanders, who have made women's
vaginas the unique emblem of sexuality, without a doubt a
possession difficult to alienate (Weiner, 1992).
Carmen shows us how the societies of outer island Yap invest
the body of the woman and her clothing to control her identity
and sexuality. Carmen is particularly interested in the famous
woven tissue or lavalava presented to young women at the time
of their first menstruation and how the wearing of these lavalava
signifies their place in their cycle of life as well as their
relations with two masculine figures : avoidance of her brother
and sexual abstinence with her spouse while she is nursing.
It is this same duality between the sexual woman (spouse)
and the asexual woman (sister) which is exalted in the erotic
legends and adventures of the cultural heroes of Chuuk that
are described by Beatriz. Her article shows how this society
masters this ambivalence through the management of sexual
space, actual and imaginary. They divide their world into
the home, a consanguineal space where asexuality reigns, and
the outside to which sexuality is confined. An outside incorporating
clandestinity and which extends beyond the limits designated
by the shores of their island : the spirits of the sea as
well as those of the heavens participate in sexuality with
humans. We can see that both these treatments of feminine
sexuality and social order, as different as they are from
one another, are nonetheless complementary. They both proceed
from the control of space, that of the body, that of the island,
which may both be enclosed as well as open to the outside.
It is precisely to this double spatial phenomenon of openess
as well as closedness, which are not contradictory states
to the islanders, that the next three articles investigate.
They evoke how islands have served as both safe havens and
points of departure for long voyages. The article of Jean-Christophe
Galipaud introduces us to the phenomenon of rootedness
and its mode of application. His archaeological excavations
carried out on Ahnd atoll, testify that people had settled
on these little islands lying off the coast of Pohnpei, instead
of the interior. His data indicate that the oldest settlement
was around 2,000 BP. My own article, written in collaboration
with Erik Pearthree, is resolutely centered on the
sea. It recounts and details the outrigger sailing canoes
of the Caroline islands and shows how these canoes are everyday
tools and participate in the economy of the common people.
It establishes, through a computer simulation, that coral
islanders have enough timber to support the cost of voyaging.
This banalization of voyaging allows one to think of the sea
as an ally, to organize a world which extends beyond ones
own island, and to satisfy the navigator's desires for the
external world. This openness of the islanders to the world
of the sea favors, perhaps more than elsewhere, communication
in the direct as well as in the figurative sense. Elizabeth
Keating describes for us the abilities of the inhabitants
of Pohnpei to enrich their expression by linguistic borrowing
from the other. She demonstrates how the appropriation of
a foreign concept is transformed and accommodated.
We conclude this glimpse at Micronesian societies with the
work of Teresa del Valle, a pioneer of micronesian anthropology
in Spain. By now, I hope the reader is convinced of the diversity
of these islands and the value of restoring this plurality
rather than constructing uniformity. Instead of being trapped
by the label "micronesian", Teresa through her personal voyage,
engages us to reflect on the role of our scientific institutions
in structuring our viewpoints vis a vis the other.
This special edition should contribute to re-seeing how the
other, labeled Micronesian, is a multiple other, and how by
imposing too much cultural unity of them, we limit the extraordinary
capacity of these peoples to cultivate their differences.
REFERENCES
AUGÉ, M., 1992. Non-lieux. Introduction à une anthropologie
de la surmodernité, Seuil, Paris.
LORY, J. L., 1983. Formes d'organisation de l'espace, territorialité
et identité chez les Baruya de PNG. Information sur les Sciences
Sociales, 22 (4-5), pp. 721-747.
WEINER, A.B., 1992. Inalienable posessions. The paradox
of Keeping - While - Giving, University of California
Press, Berkeley.
|