La domestication des plantes en Océanie et les contraintes de la voie asexuée

Vincent LEBOT

Résumé

À l'exception du cocotier, les cultures traditionnelles d'Océanie (arbre à pain, bananiers, canne à sucre, ignames, kava et taros) sont à multiplication végétative exclusive et les insulaires n'utilisent jamais de graines pour les cultiver ou les distribuer. Ces clones ont été déplacés sur de très grandes distances géographiques au gré des migrations humaines et des échanges de matériel végétal. Les apports récents des nouveaux outils de la biologie moléculaire contribuent à élucider de nombreuses énigmes d'ethnobotanique océanienne. Ces deux dernières décennies ont en effet permis de conduire des inventaires de ressources génétiques des principales plantes cultivées dans le Pacifique. Les études de diversité qui ont été réalisées à l'aide de marqueurs moléculaires, sur plusieurs milliers de cultivars, permettent d'utiliser les empreintes génétiques pour clarifier les généalogies et révéler les processus de domestication. Il apparaît que les nombreux cultivars qu'utilisent les horticulteurs océaniens trouvent leur origine géographique sur la plaque continentale Sahul et non pas en Asie comme supposé antérieurement. Dans certains cas, la domestication a toujours cours. Nous présentons une synthèse des connaissances acquises sur l'origine de ces plantes et tentons d'expliquer les fortes contraintes que rencontrent aujourd'hui les horticulteurs qui manipulent ces cultivars stériles. La vulnérabilité génétique des espèces cultivées est accentuée par les rapides changements environnementaux.

Mots -clés : domestication, changements environnementaux, vulnérabilité génétique.

Summary

Except for the coconut all the traditional crops of the Pacific are propagated asexually and farmers never use seeds to cultivate them. Exchanges of planting material and human migrations have distributed these clones across very long distances. The recent advances made by molecular biology are valuable contributions to elucidate the long standing enigmas of ethnobotany regarding the geographic origin of these plants. During the last two decades, several ecogeographical surveys of the genetic resources have been conducted for the major crops (breadfruit, bananas, sugarcane, yams, taros and kava) and have produced significant results. Genetic diversity studies conducted with molecular markers on several thousands of cultivars clarify their phylogeny and provide insights on domestication processes. It appears that these traditional crops found their geographic origin on the Sahul plate itself rather than being introduced from the Asian Sunda plate. In some cases, domestication is still going on. We present an overview of the existing knowledge regarding these crops and attempt to summarise the numerous constraints that the farmers are now facing. The narrow genetic base of these cultivated plants and their genetic vulnerability is accentuated by pest and pathogens build ups and the rapid environmental changes that are now facing the Pacific islands.

Keywords : domestication, environmental changes, genetic vulnerability.


retour au sommaire