Des vergers de Pandanus spp. comme poste avancé de la culture.
Notule d'ethnobotanique baruya
Pierre LEMONNIER
Résumé
Chaque année, vers la mi-octobre, un quart de la population baruya
s'enfonce dans la forêt avec cochons, chiens et enfants, bien au-dessus
des jardins les plus élevés, pour collecter, surveiller
et conserver les fruits d'arbres " semi-domestiqués "
de la forêt, les Pandanus jiulianettii et P. brosimos. Installés
pendant deux mois dans des petits hameaux rassemblant de solides bâtisses,
hommes et femmes font sécher par centaines de kilogrammes des drupes
ou des morceaux de syncarpes de Pandanus au-dessus de feux qui brûlent
jour et nuit. Le gros de la consommation des (délicieuses) amandes
intervient pendant la mauvaise saison (froide et très pluvieuse).
Avec 66g de graisse pour 100g de matière sèche, les amandes
sont, de loin, le plus riche des aliments que consomment les Baruya. C'est
aussi celui qui contient le plus de protéines. On peut alors avancer
l'hypothèse que, moins touchés par l'absence de pluie dans
l'écrin humide que leur offre la forêt tropicale d'altitude,
les Pandanus offrent aux Baruya une nourriture de famine d'une exceptionnelle
qualité. Ces postes avancés de la culture des plantes que
sont les bosquets de Pandanus sont aussi les seuls lieux de production
agricole qui, pendant plusieurs mois, demandent une présence de
l'homme de tous les instants. De ces arbres pas comme les autres auprès
desquels leur société se morcelle par clan et lignage pour
résider et travailler ensemble, les Baruya font également
des théâtres végétaux lors des cérémonies
d'initiation.
Mots-clés : Nouvelle-Guinée, Anga, Pandanus, domestication,
nutrition.
summary
Each year, towards mid-October, a quarter of the Baruya population heads
up into the forest with their pigs, dogs and children, well above the
highest cultivated gardens, to collect, watch over and preserve the fruits
of " semi-domesticated " forest trees, the Pandanus jiulianettii
and P. brosimos. There, in their solidly constructed hamlets, men and
women spend two months drying hundreds of kilos of the Pandanus drupes
or pieces of syncarpes over fires that are kept burning day and night.The
bulk of the (delicious) almonds are consumed during the cold, rainy season.
With 66g of fat for 100g of dehydrated matter, almonds are by the far
the richest food consumed by the Baruya. They are also the food that is
highest in protein. One can therefore emit the hypothesis that, protected
from the lack of rainfall by their high rain forest, the Pandanus provides
the Baruya with an exceptionally high-quality food in times of famine.
These Pandanus grove out-posts are also the only sites of agricultural
production which require an uninterrupted human presence for several months
a year. These trees unlike any others, around which the Baruya society
gathers by clans and lineages to live and work together, are also used
by the Baruya as vegetal theaters in their initiation ceremonies.
Keywords : New Guinea, Anga, Pandanus, domestication, food.
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