AVANT-PROPOS (Retour)
On ne peut manquer d'être frappé - à la lecture
dit journal de Morrison - par deux caractéristiques; la première
est cet extraordinaire don d'observation chez un homme que rien n'avait
préparé à cela; la seconde est cette indulgencequ'il
manifeste vis-à-vis des Tahitiens lorsque la description de leurs
murs l'amène à nous décrire ce qui à
nos yeux, pourrait passer pour des défauts. Ceux qui, par goût,
ont vécu ou vivent à Tahiti seront particulièrement
sensiblesà cette faiblesse et se demanderont comme nous l'avons
fait, si Morrison n'est pas le premier blanc à avoir subi cet envoûtement
auquel tant de noirs ont succombé, pour la plus grande joie de
leur existence.Nous adressons nos remerciements à tous ceux qui
nous ont donné leur accord pour cette traduction: la Mitchell Library,
détentrice du manuscrit; la Golden Cockerell press qui publia le
journal en 1935; J. G.Weatherlake, fille de M. Owen Rulter. Notre travail
a été considérablement facilité grâce
ait concours du père O'Reilly, secrétaire général
de la Société des Océanistes, et à l'obligeance
de Mme Aurora Natua, qui a bien voulu revoir et corriger tout le vocabulaire
tahitien. Nos lecteurs apprécieront les données nouvelles
apportées par M. Rollde Rietz, un brillant érudit suédois,
spécialiste de la "Bounty ", dans sa note sur l'Histoire
des manuscrits de James Morrison qu'on trouvera ci-après. Nous
avons cependant tenu à conserver intégralement l'Introduction
écrite par Owen Rutter il y a trente ans. Elle témoignera
de l'avancement des études concernant le journal de son auteur.
B. J.
PREFACE Retour
NOTE SUR L'HISTOIRE DES MANUSCRITS DE JAMES MORRISON
James Morrison écrivit son "journal" l'automne de 1792,
en partie comme prisonnier à bord de l'Hector après le procèsdes
mutins de la Bounty, alors qu'il attendait sa grâce ; en partie
comme homme libre, après l'avoir reçue, A la même
époque,Peter Heywood préparait son vocabulaire de la langue
tahitienne.Pendant leur captivité sur l'Hector, les prisonniers
de la Bounty s'étaient liés d'amitié avec un pasteur,
aumônier des marins de Portsmouth, William Howell (t 18-92), qui
allait voir les prisonniers tous les jours. Après que la sentence
de mort eut été prononcée, Howell semble avoir encouragé
Heywood et Morrison dans leurs travaux littéraires. Il est actuellementim
possible de déterminer avec certitude si Morrison et Heywood basaient
leurs manuscrits sur des notes prises pendant leurs séjours àTahiti
de 1788 à 1791 ; mais certains détails laissent supposer
qu'au moins la description donnée par Morrison de Tahiti utilise
des notes, sauvées par le capitaine Edwards ou par le lieutenant
Corner,lors du naufrage dit Pandora en 1791 et rendues plus tard à
Morrison.Lorsque Morrison eut terminé son récit et Heywood
son vocabulaire, ils remirent leurs manuscrits à Hozvell pour que
celui-ci,après avoir révisé le texte de Morrison,
tente de le publier. Pendant sa captivité sur l'Hector, Morrison
avait également rédigé un bref rapport sur le comportement
de Bligh à bord de la Bounty et aussi, sous la forme d'une lettre
à Howell datée de l'Hector, le 10 octobre 1792, une description
semblable du traitement cruel qu'avaient dû subir, en qualité
deprisonniers, Morrison et ses camarades, pendant le retour en Europe,
sous le commandement du capitaine Edwards. Le manuscrit original de ces
deux récits n'a pas encore été retrouvé et
nous n'en connaissons le contenu que par une copie. Par l'intermédiaire
du capitaine Molesworth Phillips, ami de Howell et connu par le troisième
voyage de James Cook, capitaine qui était en relations intimes
avec Sirjoseph Banks à Londres, celui-ci eut connaissance des rapports
deMorrison sur Bligh et Edwards, et, tout naturellement, fut désireux
de connaître la version que Morrison donnait des évènements.Phillips
écrivit alors à Howell à Portsmouth et, servant d'intermédiaire
à Banks, demanda à voir les deux rapports. Howell répondit
par -une lettre à Phillips datée de novembre 1792, qu'il
enverrait le manuscrit de Morrison sur Bligh et Edwards dès qu'il
pourrait l'avoir. Le manuscrit était en effet alors dans l'île
de Wight, et il l'informa aussi du " grand récit", notre
"Journal ", que Morrison était en train d'écrire
et qui était, lui, destiné à la publication. Cependant
Howell semble avoir tardé à envoyer les notes sur Bligh
et Edwards et Phillips finit par aller lui-même à Portsmouth
pour en voir les manuscrits. Il faut observer qu'il ne s'agissait pas
ici du manuscrit dit " Journal" de Morrison, mais seulement
des deux rapports sur les cruautés de Bligh et Edwards. Phillips
envoya alors ces notes à Banks, l'informant en même temps
-nous sommes en décembre 1792 - de l'existence d'une description
plus détaillée de Morrison, qu'Howell rédigeait pour
l'impression. Banks fit faire une copie des matériaux qu'on lui
avait envoyés et renvoya ensuite probablement l'original à
Phillips. Lorsque, quelques mois plus tard, en septembre 1793, Bligh revint
en Angleterre de sa deuxième expédition à Tahiti,
Banks lui fil part desaffirmations de Morrison. La copie que Bligh eut
en mains semble être le manuscrit qui se trouve actuellement à
la Mitchell Library à Sydney et qui comporte 35 feuilles; il est
intitulé " Memorandums and particulars respecting the "
Bounty " and her Crew". Jusqu'ici, il n'a pas été
publié en entier, et Owen Rutterne le connaissait manifestement
pas. Ayant lu ce document, Bligh écrità Banks, en octobre
1793, que " les rapports de Morrison sont faits de ragots mensongers
que personne n'osera publier ou répéter" et il joint
à sa lettre dix pages indignées: "Remarks on Morrison's
journal ", pages qui se trouvent maintenant à la Mitchell
Library et qui ont été publiées par Owen Rutter en
1937. Bien avant déjà, Morrison avait enfin réussi
à terminer son grand manuscrit que Bligh ne vit probablement jamais.
Cependant Morrison avait refusé toute suppression en ce qui concernait
le comportement de Bligh et celui d'Edwards. Il confia son manuscrit aux
bons soins de Howell. Celui-ci eut tôt fait de comprendre qu'il
ne pouvait être publié en conservant les parties jugées
"dangereuses". Il ne sera donc pas question de publication,
mais Howell réussit quand même, en pressant un peu les autorités,
à tout tourner à l'avantage de Morrison, du moins si nous
en croyons une note du pasteur Samuel Greatheed qui déclare : "
Monsieur Howell s'était proposé de publier les papiers de
Morrison. Mais il y renonça à la condition que le gouvernement
prisse soin de Morrison ; et, par la suite, celui-ci sera nommé
canonnier de la marine. La publication était jugée peu souhaitable,
parce qu'elle avrait compromis le capitaine Bligh. " En automne 1796,
le Duff, navire de la Société Missionnaire de Londres, quitta
l'Angleterre pour débarquer des missionnaires àTahiti et
dans d'autres îles de l'Océanie. Cependant, lors du départ,
l'expédition fut obligée de s'arrêter plusieurs semaines
à Spithead près de Portsmouth, et pendant ce temps, le Dr
Thomas Haweis, le promoteur de la L.M.S. tout récemment fondée,
qui avait accompagné les missionnaires sur le Duff de Londres à
Spithead, entrait en contact avec Howell à Portsmouth. Avec beaucoup
de zèle, Haweis avait réuni toutes les informations qu'il
pouvait avoir sur Tahiti, et bien sûr, il fut tout étonné
quand Howell lui montra le récit détaillé de Morrison
ainsi que le vocabulaire et la grammaire très complète de
Heywood sur le dialecte tahitien. Ces documents surpassaient tout ce qui
avait déjà été publié et que Haweis
avait réussi à réunir. Howell mit généreusement
ces papiers à la disposition de Haweis, et en quelques jours de
travail fébrile, Haweis fit, à l'usage deses missionnaires,
un abrégé des parties les plus utiles du récit de
Morrison et une copie complète du vocabulaire de Heywood. A cette
occasion ou un peu plus tard, Haweis fit aussi, à son propre usage,
une copie de la plus grande partie de ces documents. Pendant la première
moitié de l'année 1796, Samuel Greatheed en collaboration
avec Haweis, le meilleur connaisseur de l'Océanie parmi les dirigeants
de la L.M.S., avait composé, à l'usage des missionnaires,
un manuscrit sur les voyages et les observations déjà faits
en Océanie. Bien entendu, on emporta aussi une copie de ce manuscrit
sur le Duff et avec les manuscrits de Morrison et deHeywood, c'était
une lecture à laquelle les missionnaires avaients ouvent recours
pendant le long voyage jusqu'à Tahiti. Le récit de Greatheed
se basait non seulement sur tous les récits imprimés qu'on
avait pu trouver, mais aussi sur des informations orales de personnes
ayant visité Tahiti les années précédentes,
entre autres celles du lieutenant Corner, de la Pandora, qui avait fait
à Haweis une description détaillée de l'expédition
de son navire et de la capture des mutins de la Bounty. Le départ
du Duff n'interrompit pas le travail de Greatheed. Maintenant il lui fallait
rédiger une introduction historique destinée à la
relation du voyage du Duff que la Société avait l'intention
de publier dès le retour du navire en Angleterre. Howell, il est
vrai, avait formellement interdit la publication du manuscrit de Morrison,
mais il paraît que Haweis et Greatheed réussirent à
obtenir la permission d'en utiliser certaines parties à condition
de ne pas mentionner le nom de Morrison et de ne même pas faire
allusion à son travail. Une autre condition était, bien
entendu, de ne pas publier les révélations de Morrison sur
Bligh et Edwards, Howell se considérant toujours lié par
sa promesse. Le Duff revint en Angleterre en juillet 1798, et dès
l'année suivante, 1799, furent publiées les premières
éditions de : A missionnary voyage to the Southern pacific Ocean...
Greatheed avait rédigé anonymement l'introduction historique,
le "Discours préliminaire", qui se basait en partie sur
les matériaux de Morrison. Le livre se terminait par un "Appendice
" sur Tahiti,anonymement composé par Haweis, encore qu'il
n'ait jamais vu l'Océanie. Cet "Appendice" est en très
grande partie l'uvre de Morrison. Les ressemblances entre la description
de Tahiti faite par Morrison et l'"Appendice" de Haweis sont
très frappantes: non seulement la disposition du texte, mais aussi
les termes sont souvent ceux de Morrison. Ainsi, même si ce n'était
pas exactement sous la forme qu'il avait imaginée, le Magnum Opus
de Morrison fut-il publié de son temps. Il faut ajouter que quelques
fragments du récit de Morrison, de ,même que le vocabulaire
de Heywood avaient déjà été publiés
par Haweis dans l'Evangelical Magazine de 1797 et de 1798, et que certaines
parties des matériaux de Heywood ont été copiées
par Greatheed dans les marges de quelques-uns des livres sur Tahiti, utilisés
par lui et qui sont maintenant conservés dans la bibliothèque
de la L. M.S. Il semble probable que Greatheed n'a eu à sa disposition
que des copies incomplètes des manuscrits de Morrison, celles ayant
appartenu à Howell et recueillies par Haweis en 1796. Greatheed
n'en a sans doute jamais vu l'original. Ce manuscrit original de Morrison,
nous ne savons pas exactement pendant combien de temps il demeura entre
les mains d'Hozeell. Il semble avoir appartenu assez longtemps à
Peter Heywood : certaines parties remaniées en furent publiées
en 1825 dans la biographie sur Heywood, rédigée par le lieutenant
Marshall. Quelques années plus tard, en 1831 et 1832, Sir John
Barrow et Edward Tagart citèrent le récit de Morrison dans
leurs livres sur la mutineriede la Bounty. Mais il semble que ni Barrow
ni Tagart n'aient personnellement étudié le manuscrit de
Morrison de près, et même qu'ils n'ont pas vu ce manuscrit;
car Barrow l'ignore absolument et les citations de Morrison faites par,
Barrow et Tagart sont presque identiquesà celles remaniées
par Marshall eu 1825. Il n'est d'ailleurs pas improbable que Heywood,
et plus tard Lady Belcher, n'ait possédé un manuscrit de
Morrison, maintenant disparu. Lady Belcher et le pasteurL'Estrange en
1870 et en 1891, donnent des détails sur le manuscrit de Morrison
qui ne concordent pas avec celui de la Mitchell Library. Mais en même
temps, il est évident que ce dernier manuscrit, lui aussi, vient
de Lady Belcher, entre autres raisons parce que la description qu'en donne
William Fletcher (qui en 1877 emprunta le manuscrit à Lady Belcher)
dans sa conférence sur la mutinerie de la Bounty s'accorde avec
le manuscrit de la Mitchell Library. Ce manuscrit contient aussi plusieurs
annotations de l'écriture de Heywood (et d'ailleurs aussi une longue
note de l'écriture de Howell). Et, de plus, nous savons que la
Mitchell Library acquit le manuscrit de L'Estrange, qui avait été
l'ami de Lady Belcher. On peut ajouter que Samuel Greatheed n'abandonna
jamais son intérêt pour l'histoire de la Bounty. En 1820-1821
encore, il publia un récit détaillé concernant les
moulins de la Bounty, récit basé entre autre, sur les transcriptions
des rapports de Morrison et de Corner. Le premier à se baser sur
le récit de Morrison pour écrire l'histoire de la Bounty
fut donc,à ce qu'il semble, Greatheed, un des meilleurs connaisseurs
de l'histoire de Tahiti en son temps. Ces lignes écrites un peu
à la hâte, sur la demande de M. Bertrand Jaunez qu'il convient
de féliciter d'avoir traduit en français le " journal
" de Morrison, ne prétendent être qu'une rapide, trop
rapide introduction à ce texte important. Une monographie détaillée
et documentée de l'histoire des manuscrits de Morrison sera publiée
sous peu dans la série des Studia Bountyana dont le premier numéro
vit le jour l'an dernier. J'y renvoie le lecteur intéressé
par le sujet. Upsal, Suède, décembre1965. ROLF Du RIETZ.
INTRODUCTION (Retour)
NOTE SUR L'HISTOIRE DES MANUSCRITS DE JAMES MORRISON
James Morrison écrivit son "journal" l'automne de 1792,
enpartie comme prisonnier à bord de l'Hector après le procèsdes
mutins de la Bounty, alors qu'il attendait sa grâce ; en partie
commehomme libre, après l'avoir reçue, A la même époque,Peter
Heywood préparait soit vocabulaire de la langue tahitienne.Pendant
leur captivité sur l'Hector, les prisonniers de la Bountys'étaient
liés d'amitié avec un pasteur, aumônierdes marins
de Portsmouth, William Howell (t 18-92), qui allait voir lesprisonniers
tous les jours. Après que la sentence de mort eutété
prononcée, Howell semble avoir encouragéHeywood et Morrison
dans leurs travaux littéraires. Il est actuellementimpossible de
déterminer avec certitude si Morrison et Heywood basaientleurs
manuscrits sur des notes prises pendant leurs séjours àTahiti
de 1788 à 1791 ; niais certains détails laissent supposerqu'au
moins la description donnée par Morrison de Tahiti utilise desnotes,
sauvées par le capitaine Edwards oit par le lieutenant Corner,lors
dit naufrage dit Pandora en 1791 et rendues plus tard à Morrison.Lorsque
Morrison eut terminé son récit et Heywood soitvocabulaire,
ils remirent leurs manuscrits à, Hozvell pour que celui-ci,après
avoir révisé le texte de Morrison, tente de lepublier. Pendant
sa captivité sur l'Hector, Morrison avaitégalement rédigé
un bref rapport sur le comportement deBligh à bord de la Bounty
et aussi, sous la forme d'une lettre àHowell datée de l'Hector,
le 10 octobre 1792, une description semblabledit traitement cruel qu'avaient
dû subir, en qualité deprisonniers, Morrison et ses camarades,
pendant le retour en Europe, sous lecommandement dit capitaine Edwards.
Le manuscrit original de ces deuxrécits n'a pas encore été
retrouvé et nous n'enconnaissons le contenu que par une copie.
Par l'intermédiaire ducapitaine Molesworth Phillips, ami de Howell
et connu par le troisièmevoyage de James Cook, capitaine qui était
en relations intimes avec Sirjoseph Banks à Londres, celui-ci eut
connaissance des rapports deMorrison sur Bligh et Edwards, et, tout naturellement,
fut désireux deconnaître la version que Morrison donnait
des évènements.Phillips écrivit alors à Howell
à Portsmouth et, servantd'intermédiaire à Banks,
demanda à voir les deux rapports.Howell répondit par -une
lettre à Phillips datée denovembre 1792, qu'il enverrait
le manuscrit de Morrison sur Bligh et Edwardsdès qu'il pourrait
l'avoir. Le manuscrit était en effet alorsdans l'île de Wight,
et il l'informa aussi du " grand récit", notre "Journal
", que Morrison était en traind'écrire et qui était,
lui, destiné à lapublication. Cependant Howell semble avoir
tardé à envoyer lesnotes sur Bligh et Edwards et Phillips
finit par aller lui-même àPortsmouth pour en voir les manuscrits.
Il faut observer qu'il ne s'agissaitpas ici du manuscrit dit " Journal"
de Morrison, mais seulement desdeux rapports sur les cruautés de
Bligh et Edwards. Phillips envoyaalors ces notes à Banks, l'informant
en même temps -nous sommes endécembre 1792 - de l'existence
d'une description plusdétaillée de Morrison, qu'Howell rédigeait
pourl'impression. Banks fit faire une copie des matériaux qu'on
lui avaitenvoyés et renvoya ensuite probablement l'original à
Phillips.Lorsque, quelques mois plus tard, en septembre 1793, Bligh revint
en Angleterrede sa deuxième expédition à Tahiti,
Banks lui fil part desaffirmations de Morrison. La copie que Bligh eut
en mains semble être lemanuscrit qui se trouve actuellement à
la Mitchell Library àSydney et qui comporte 35 feuilles; il est
intitulé " Memorandumsand particulars respecting the "
Bounty " and her Crew".Jusqu'ici, il n'a pas été
publié en entier, et Owen Rutterne le connaissait manifestement
pas. Ayant lu ce document, Bligh écrità Banks, en octobre
1793, que " les rapports de Morrison sont faitsde ragots mensongers
que personne n'osera publier ou répéter" et il joint
à sa lettre dix pages indignées: "Remarks on Morrison's
journal ", pages qui se trouvent maintenant àla Mitchell Library
et qui ont été publiées par OwenRutter en 1937. Bien
avant déjà, Morrison avait enfinréussi à terminer
son grand manuscrit que Bligh ne vitprobablement jamais. Cependant Morrison
avait refusé toute suppressionen ce qui concernait le comportement
de Bligh et celui d'Edwards. Il confia sonmanuscrit aux bons soins de
Howell. Celui-ci eut tôt lait de comprendrequ'il ne pouvait être
publié en conservant les partiesjugées "dangereuses".
Il ne sera donc pas question depublication, mais Howell réussit
quand même, en pressant un peules autorités, à tout
tourner à l'avantage de Morrison, dumoins si nous en croyons une
note dit pasteur Samuel Greatheed quidéclare : " Monsieur
Howell s'était proposé depublier les papiers de Morrison.
Mais il y renonça à la conditionque le gouvernement prisse
soin de Morrison ; et, par la suite, celui-ci seranommé canonnier
de la marine. La publication était jugéepeu souhaitable,
parce qu'elle attrait compromis le capitaine Bligh. " Enautomne 1796,
le Duff, navire de la Société Missionnaire deLondres, quitta
l'Angleterre pour débarquer des missionnaires àTahiti et
dans d'autres îles de l'Océanie. Cependant, lors dudépart,
l'expédition fut obligée de s'arrêterplusieurs semaines
à Spithead près de Portsmouth, et pendant cetemps, le Dr
Thomas Haweis, le promoteur de la L.M.S. tout récemmentfondée,
qui avait accompagné les missionnaires sur le Duff deLondres à
Spithead, entrait en contact avec Howell à Portsmouth.Avec beaucoup
de zèle, Haweis avait réuni toutes les informationsqu'il
pouvait avoir sur Tahiti, et bien sûr, il fut toutétonné
quand Howell lui montra le récitdétaillé de Morrison
ainsi que le vocabulaire et la grammairetrès complète de
Heywood sur le dialecte tahitien. Ces documentssurpassaient tout ce qui
avait déjà étépublié et que Haweis
avait réussi à réunir. Howellmit généreusement
ces papiers à la disposition de Haweis,et en quelques jours de
travail fébrile, Haweis fit, à l'usage deses missionnaires,
un abrégé des parties les plus utiles durécit de
Morrison et une copie complète du vocabulaire deHeywood. A cette
occasion ou un peu plus tard, Haweis fit aussi, à sonpropre usage,
une copie de la plus grande partie de ces documents. pendant lapremière
moitié de l'année 1796, Samuel Greatheed encollaboration
avec Haweis, le meilleur connaisseur de l'Océanie parmiles dirigeants
de la L.M.S., avait composé, à l'usage desmissionnaires,
un manuscrit sur les voyages et les observationsdéjà faits
en Océanie. Bien entendu, on emporta aussi unecopie de ce manuscrit
sur le Duff et avec les manuscrits de Morrison et deHeywood, c'était
une lecture à laquelle les missionnaires avaientsouvent recours
pendant le long voyage jusqu'à Tahiti. Le récitde Greatheed
se basait non seulement sur tous les récits imprimésqu'on
avait pu trouver, niais aussi sur des informations orales de personnesayant
visité Tahiti les années précédentes, entreautres
celles du lieutenant Corner, de la Pandora, qui avait fait àHaweis
une description détaillée de l'expédition de sonnavire
et de la capture des mutins de la Bounty. Le départ du Duffn'interrompit
pas le travail de Greatheed. Maintenant il lui fallaitrédiger une
introduction historique destinée à la relationdu voyage
du Duff que la Société avait l'intention de publierdès
le retour du navire en Angleterre. Howell, il est vrai, avaitformellement
interdit la publication dit manuscrit de Morrison, mais ilparaît
que Haweis et Greatheed réussirent à obtenir lapermission
d'en utiliser certaines parties à condition de ne pasmentionner
le nom de Morrison et de ne même pas faire allusion àsoit
travail. Une autre condition était, bien entendu, de ne pas publierles
révélations de Morrison sur Bligh et Edwards, Howell seconsidérant
toujours lié par sa promesse. Le Duff revint enAngleterre en juillet
1798, et dès l'année suivante, 1799, furentpubliées
les premières éditions de : A missionnary voyageto the Southern
pacifie Ocean... Greatheed avait rédigéanonymement l'introduction
historique, le "Discourspréliminaire", qui se basait
en partie sur les matériaux deMorrison. Le livre se terminait par
un "Appendice " sur Tahiti,anonymement composé par Haweis,
encore qu'il n'ait jamais vul'Océanie. Cet "Appendice"
est en très grande partiel'uvre de Morrison. Les ressemblances
entre la description de Tahitifaite par Morrison et l'"Appendice"
de Haweis sont trèsfrappantes: non seulement la disposition du
texte, miais aussi les termes sontsouvent ceux de Morrison. Ainsi, même
si ce n'était pas exactementsous la forme qu'il avait imaginée,
le Magnurn Opus de Morrison fut-ilpublié de son temps. Il faut
ajouter que quelques fragments durécit de Morrison, de ,même
que le vocabulaire de Heywood avaientdéjà été
publiés par Haweis dan sl'Evangelical Magazine de 1797 et de 1798,
et que certaines parties desmatériaux de Heywood ont été
copiées par Greatheeddans les marges de quelques-uns des livres
sur Tahiti, utilisés par luiet qui sont maintenant conservés
dans la bibliothèque de la L. M.S. Il semble probable que Greatheed
n'a eu à sa disposition que descopies incomplètes des manuscrits
de Morrison, celles ayant appartenuà Howell et recueillies par
Haweis en 1796. Greatheed n'en a sans doutejamais vu l'original. Ce manuscrit
original de Morrison, nous ne savons pasexactement pendant combien de
temps il demeura entre les mains d'Hozeell. Ilsemble avoir appartenu assez
longtemps à Peter Heywood : certainesparties remaniées en
lurent publiées Cu 1825 dans la biographiesur Heywood, rédigée
par le lieutenant Marshall. Quelquesannées plus tard, en 1831 et
1832, Sir John Barrow et Edward Tagartcitèrent le récit
de Morrison dans leurs livres sur la mutineriede la Bounty. Mais il semble
que ni Barrow ni Tagart n'aient personnellementétudié le
manuscrit de Morrison de près, et mêmequ'ils n'ont pas vit
ce manuscrit; car Barrow l'ignore absolument et lescitations de Morrison
faites pal, Barrow et Tagart sont presque identiquesà celles remaniées
par Marshall eu 1825. Il n'est d'ailleurs pasimprobable que Heywood, et
plus tard Lady Belcher, n'ait possédéun manuscrit de Morrison,
maintenant disparu. Lady Belcher et le pasteurL'Estrange en 1870 et en
1891, donnent des détails sur le manuscrit deMorrison qui ne concordent
pas avec celui de la Mitchell Library. Mais eumême temps, il est
évident que ce dernier manuscrit, lui aussi,vient de Lady Belcher,
entre autres raisons parce que la description qu'endonne William Fletcher
(qui en 1877 emprunta le manuscrit à LadyBelcher) dans sa conférence
sur la mutinerie de la Bounty s'accorde avecle manuscrit de la Mitchell
Library. Ce manuscrit contient aussi plusieursannotations de l'écriture
de Heywood (et d'ailleurs aussi une longuenote de l'écriture de
Howell). Et, de plus, nous savons que la MitchellLibrary acquit le manuscrit
de L'Estrange, qui avait été l'ami deLady Belcher. On peut
ajouter que Samuel Greatheed n'abandonna jamais sonintérêt
pour l'histoire de la Bounty. En 1820-1821 encore, ilpublia un récit
détaillé concernant les moulins de laBounty, récit
basé entre autre, sur les transcriptions desrapports de Morrison
et de Corner. Le premier à se baser sur lerécit de Morrison
pour écrire l'histoire de la Bounty fut donc,à ce qu'il
semble, Greatheed, un des meilleurs connaisseurs del'histoire de Tahiti
en son temps. Ces lignes écrites un peu à lahâte,
sur la demande de M. Bertrand Jaunez qu'il convient deféliciter
d'avoir traduit en français le " journal " deMorrison,
ne prétendent être qu'une rapide, trop rapideintroduction
à ce texte important. Une monographiedétaillée et
documentée de l'histoire des manuscrits deMorrison sera publiée
sous peu dans la série des Studia Bountyanadont le premier numéro
vit le jour l'an, dernier. J'y renvoie le lecteurintéressé
par le sujet. Upsal, Suède, décembre1965. ROLF Du RIETZ.
TABLE DES MATIERES,(Retour)
par Bertrand JAUNEZ
Notes sur l'Histoire des Manuscrits deJames Morrison,par ROlf DU RiETZ
Introduction, par Owen RUTTER
Le "journal " de James MORRISON.
Première partie. - La mutinerie et les infortunes qui en résultèrent
pour les mutins
Deuxièmepartie. - Description de l'île de Tahiti et des
murs des insulaires
Aspect du pays
Air et climat Sols et produits
Racines Fruits Oiseaux poissons et pêche Minéraux Industrie
et commerce Divisions, gouvernements,etc La guerre Religion Coutumes religieuses
et autres Constructions et piroguesCostume Exercices et jeux
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