PREFACE (retour)
Les atolls ou îles basses coralliennes
doivent leur nom aux habitants de l'archipel des Maldives. Ce sont des
îles dont la partie émergée forme un anneau, assaillie
tout alentour par les vagues de l'océan et délimitant en
son centre une lagune aux eaux calmes. Ce sont des îles basses car
leur altitude ne dépasse pas quelques mètres au?dessus du
niveau de la mer. Elles sont coralliennes car toute roche apparente est
constituée de calcaire provenant de l'accumulation de squelettes
d'organismes au tout premier rang desquels figurent les coraux. Ces îles
basses coralliennes, comme Rangiroa, Takapoto ou Mururora, s'opposent
aux îles hautes volcaniques parfois entourées d'un lagon
et d'un récif?barrière, comme Tahiti ou Moorea. Ces îles
aux lagons de couleur émeraude baignés par l'azur de l'océan
profond qui les entoure, existent dans les trois océans de la planète.
On compte 400 atolls de par le monde dont les 3/4 sont dans le Pacifique.
La Polynésie à elle seule, circonscrite dans le triangle
H awaiiNouvelle Zélande?lle de Pâques, en compte 136. Nombreux
sont les états du Pacifique qui comprennent des atolls tel que
Marshall ou Kiribati (anciennement Gilbert) ou Tuvalu (Ellice). La Polynésie
française compte 85 atolls dont la très grande majorité
sont dans l'archipel des Tuamotu (76 unités) alors q'un petit nombre
se situe dans les autres archipels : Société (5), Gambier
(2), Australes (1), Marquises (1). L'archipel des Tuamotu est un des plus
riches en atolls du monde avec celui des Marshall en Micronésie.
La diversité de ces mondes insulaires que sont les atolls est très
grande. En Polynésie française leur taille varie d'un facteur
25 pour leur longueur et de plus de 500 pour leur surface. Le plus petit
atoll est Tepeto Nord, sa longueur maximale est de 3,5 km et sa surface
de 320 hectares. Le plus grand est Rangiroa, 88 km et 171.000 hectares
; c'est aussi le deuxième du monde, après Kwajalein dans
les Marshall. Selon qu'ils possèdent ou non une passe navigable
permettant aux bateaux de pénétrer dans les lagons, on les
qualifie d'atolls ouverts ou d'atolls fermés. Les premiers sont
au nombre de 35 et les seconds de 50. Leurs lagons ont des caractéristiques
différentes. Ils sont profonds pour les plus grands et la majorité
d'entre eux atteignent un peu plus d'une cinquantaine de mètres.
Ils ont moins d'une quinzaine de mètres de profondeur pour les
plus petits quand ce n'est pas quelques mètres ou lorsque leur
lagon n'est pas complètement comblé de sédiment.
Si la flore et la faune terrestres sont relativement identiques d'un atoll
à l'autre, il n'en est pas de même dans le domaine marin.
Toutefois, les récifs extérieurs et les pentes externes
des atolls, leur morphologie et les espèces qui y vivent, sont
analogues partout. En revanche, le monde vivant du Lagon est fortement
déterminé par l'importance des échanges d'eaux, ou
le confinement, entre le lagon et l'océan. Toutes ces îles
basses coralliennes ont une même origine et, sauf exception, ont
suivi et suivent la même évolution. Elles sont nées
dans l'océan par suite d'une activité volcanique temporaire
sous le plancher océanique. Elles furent d'abord des îles
hautes volcaniques. Elles prirent naissance, comme les Tuamotu, au voisinage
de la dorsale sous?marine du Pacifique est, d'orientation nord?sud et
qui, légèrement à l'est de l'île de Pâques,
" fabrique " le fond de l'Océan Pacifique. Ou encore
elles prirent naissance par suite de l'activité volcanique de points
chauds, en des lieux de remontée du magma à la surface de
la lithosphère, comme pour les atolls de la Société
ou des Australes. Alors que ces îles volcaniques se ceinturent de
récifs coralliens, elles vont être animées de deux
mouvements. Une dérive vers l'ouest nord?ouest, à une vitesse
de l'ordre de 10 m par siècle, entrainées par le plancher
océanique qui les supporte ; c'est la vitesse de création
du fond de l'océan au niveau de la ride du Pacifique est. Un enfoncement,
ou subsidence, va les affecter à la vitesse d'environ 1 cm par
siècle. Cette dynamique fait disparaître la masse volcanique
sous le lagon de ce qui devient alors un atoll. L'île ne doit sa
survie qu'à l'activité incessante des coraux constructeurs
de récifs dont l'accumulation des squelettes calcaires compense
la subsidence. Le volcanisme original des plus anciens atolls de Polynésie
française (Tuamotu du nord?ouest) remonte à 60 millions
d'années, alors que le plus récent, Tupai vraisemblablement,
a moins de 2 millions d'années. Encore faut?il savoir pour bien
comprendre le monde vivant sur les atolls que ces îles basses, dont
on vient d'évoquer l'origine et l'évolution sur des millions
d'années, ont été profondément différentes
de leur aspect actuel au cours des tout derniers milliers d'années.
Au cours du quaternaire (il y a deux millions d'années à
l'actuel) le niveau des océans a considérablement varié,
alternativement bas en période glaciaire (l'eau constituait d'immenses.
glaciers aux hautes latitudes) et haut en période interglaciaire
(fonte des glaciers). A la fin de la dernière glaciation et au
début de la fonte des glaciers, il y a tout juste 20 000 ans, le
niveau de la mer était à une centaine de mètres au?dessous
du niveau actuel. Les atolls étaient alors émergés
et bordés par des falaises de cette hauteur, les lagons étaient
tous asséchés. Le niveau de l'océan remonte progressivement
pour atteindre le niveau actuel il y a environ 6 000 ans, puis le dépasse
d'environ un mètre. Cette situation va durer pendant 4 à
5 millénaires. Les coraux étaient à fleur d'eau et
les îles émergées aux hautes falaises étaient
devenues des récifs et des " brissants " sur l'océan,
sans partie continuellement émergée. Ce n'est qu'il y a
environ 1 300 ans, à la faveur d'un abaissement d'un mètre
du niveau de la mer, que les récifs vont émerger et que
les éléments détritiques vont se déposer pour
constituer les Îles basses que nous connaissons actuellement avec
leur anneau corallien émergé. Tel est le décor et
la succession de tableaux qui constituent le théâtre où
le monde vivant des atolls va évoluer. Que ce soit à l'échelle
de millions ou de milliers d'années, la flore et la faune, qu'elles
soient terrestres ou marines, vont subir des extinctions et des renaissances.
Elles vont se modifier, s'adapter, évoluer, et le monde vivant
des atolls d'aujourd'hui ne peut s'expliquer sans cette dimension géologique
et historique. C'est dans ce domaine de l'origine, de l'évolution
et de la structure des atolls que les progès les plus récents
ont été enregistrés. Voilà pourquoi cette
introduction était nécessaire dans l'avant?propos d'un ouvrage
réédité. Sur le contenu même de l'ouvrage qui
est une stricte réédition de la première datant de
1972, il convient de faire quelques commentaires. Les chapitres de cet
ouvrage ont été rédigés par Jean?Pierre BABLET
et Odile CAYET du Service Mixte de Contrôle Biologique (DIR.C.E.N.),
à partir des travaux de chercheurs du Muséum National d'Histoire
Naturelle (M.N.H.N.), de l'École Pratique des Hautes Études
(E.P.H.E.) et du Centre National de la Recherche Scientifique (C.N.R.S.)
: JeanPierre CHEVALIER, Michel DENIZOT, Jean?Louis MOUGIN et Bernard SALVAT,
auxquels se sont joints ensuite Robert BROUSSE et François LACAN.
A une époque où la flore et la faune des îles polynésiennes,
volcaniques ou atolls, des domaines terrestre ou marin, étaient
encore en grande partie inconnues, le premier objectif avait été
d'identif"ier les espèces et d'établir leur répartition.
Tel est le contenu de cet ouvrage. Il n'est en rien dépassé.
Certes, nos connaissances depuis la première édition ont
grandement progressé mais il s'agit de connaissances complémentaires
qui augmenteraient le présent volume sans que l'essentiel, qui
s'y trouve, puisse être réduit. Voilà pourquoi la
simple réédition a été décidée
pour ce monde vivant des atolls. Les recherches dont il vient d'être
question, ont été réalisées à l'époque,
en convention avec la Direction des Centres d'Expérimentations
Nucléaires (DIR.C.E.N.). Les principaux atolls qui avaient été
prospectés, outre les atolls expérimentaux de Mururoa et
de Fangataufa, sont ceux du sud?est des Tuamotu, Les résultats
de ces recherches ont été publiés, en grande partie,
dans les " Cahiers du Pacifique ", périodique édité
de 1959 à 1979, et devenu " Cahiers de l'Indo?Pacifique "
de 1979 à 1980, par la Fondation Singer Polignac. Des monographies
sur certaines îles ou archipels, également prospectés
en convention avec la DIR.C.E.N., ont de la même manière
été publiées dans ce périodique : MURUROA,
LES GAMBIER, TUBUAI, LES MARQUISES. Par la suite, les recherches sur les
atolls se sont considérablement développées géographiquement
et thématiquement. L'atoll de Takapoto a été la cible
d'un programme interdisciplinaire sous l'égide de l'U.N.E.S.C.O.
(Programme l'Homme et la Biosphère) à partir de 1973. Des
expéditions pluridisciplinaires et pluriorganismes, ou des missions,
ont été organisées par l'Antenne Museum E.P.H.E.,
créée en Polynésie française en 1970, sur
les atolls de Taiaro (1972) de Scilly (1979) et de Mataiva (1981). Nombreux
sont les résultats qui ont été publiés dans
le Journal de la Société des Océanistes et les Cahiers
du Pacifique. L'ORSTOM a développé des recherches sur l'atoll
de Tikehau dont il a surtout été rendu compte dans la série
" Notes et documents, série Océanographie ", publiée
par cet organisme. La tenue du 5' Congrès International sur les
Récif Coralliens, à Tahiti en 1985, a induit la publication
de plusieurs dizaines de travaux sur les atolls, travaux qui figurent
dans les 6 volumes de compte rendus de cette manifestation. Les excursions
qui avaient lieu à Takapoto, à Tikehau, à Mataiva
et à Rangiroa, donnèrent lieu à des synthèses
sur ces atolls qui figurent dans le le volume. En 1986?87, une "
Encyclopédie de la Polynésie " était éditée
(Christian GLEIZAL, MULTIPRESS, éditeur) dont les trois premiers
volumes traitaient respectivement des îles océaniques, de
la flore et de la faune terrestre, et du monde marin. J'ai rédigé
cette préface en ayant à l'esprit le souvenir de quelques
amis qui, entre autres activités, ont beaucoup fait pour la connaissance
ou le développement des connaissances sur les atolls et qui nous
ont quittés : Jean?Pierre CHEVALIER, Yves PLEssis et Paul MOORTGAT.
Ces quelques lignes sont un hommage de reconnaissance et un témoignage
d'amitié que leur rendent tous leurs amis ainsi que la Société
des Océanistes. Bernard SALVAT, Août 1990
TABLE
DES MATIERES (retour)
CHAPITRE PREMIER
MORPHOLOGIE ET ORIGINE DES ATOLLS (0. CAYET).
I. Description d'un atoll Il.
A Géologie et formation d'un atoll
Théories B. - Données nouvelles apportées par les
forages récents
CHAPITRE SECOND LES MADRÉPORAIRES (J.-P. BABLET).
I. Biologie des Madréporaires
A. - Anatomie des Madréporaires
B. - Facteurs biologiques limitants
C. - Principales formes coralliennes .
Il. Localisation des Madréporaires sur l'atoll
A. - Zone externe
B. - Lagon
C. - Hoa
III. Clé de détermination des principaux Madréporaires
CHAPITRE TROISIÈME LES ALGUES (0. CAYET).
1. Algues rencontrées en Polynésie
A. - Algues molles
B. - Cyanophycées
C. - Algues calcaires
Il. Localisation des Algues sur un atoll
A. - Récif extérieur
B. - Côté lagon
III. Classification des Algues
A.- Cyanophycées
B. - Chlorophycées
C. - Phéophycées
D. - Rhodophycées
CHAPITRE QUATRIÈME
ÉCHINODERMES ET CRUSTACÉS (J.-P. BABLET).
I. Les Echinodermes
A. - Les Oursins
B. - Les Etoiles de mer
C. - Les Holothuries
II. Les Crustacés
A. - Animaux marins
B. - Animaux terrestres
CHAPITRE CINQUIÈME
LA FAUNE MALACOLOGIQUE (J.-P. BABLET).
I. Distribution et importance des Mollusques dans les atolls
A. - Faune du versant océanique
B. - Faune du lagon
C. - Différences écologiques entre un atoll fermé
et un atoll ouvert
Il. Importance des Mollusques dans la construction des formations récifales
III. Importance des Mollusques dans la destruction des formations récifales
CHAPITRE SIXIÈME
LA FAUNE ICHTYOLOGIQUE DES ATOLLS (J.-P. BABLET).
1. Description des familles ichtyologiques
A. - Sélaciens ou Elasmobranches
B. - Poissons à squelette osseux
1) Poissons de haute mer
2) Poissons de coraux
Il. Répartition des familles ichtyologiques
A. - Pente externe
B. - Platier externe
C. - Lagon intérieur
III. Clé de détermination des poissons de Polynésie
Française
CHAPITRE SEPTIÈME LES ANIMAUX MARINS DANGEREUX.
1. Les animaux marins venimeux (J.-P, BABLET)
Il. Les animaux marins vénéneux : La ciguatera (R. BAGNIS).
CHAPITRE HUITIÈME LA FLORE TERRESTRE (0. CAYET).
1. Formations arbustives
Il. Formations arborées
111. Le sous-bois
IV. Le bord des eaux
CHAPITRE NEUVIÈME LA FAUNE TERRESTRE (J.-P. BABLET).
1. Les reptiles
A. - Les Tortues
B. - Les Lézards
Il. Les Rongeurs
111. Les Insectes
A. - Les Diptères
B. - Les Hyménoptères
C. - Les Lépidoptères
D. - Les Orthoptères
IV. Les Myriapodes
CHAPITRE DIXIÈME LA FAUNE AVIAIRE (0. CAYET).
1. Les Oiseaux de mer
A. - Espèces rencontrées sur l'ensemble du territoire.
B. - Espèces peu fréquentes
II. Les oiseaux terrestres
A. - Les Sédentaires
B. - Les Migrateurs
III. -- Description des différentes espèces
A. - Les Pélécaniformes
B. - Les Lariiformes
C. - Les Procélariiformes
D. - Les Charadriiformes
E. - Les Ardéiformes
F. - Les Colombiformes
Index
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