INTRODUCTION (retour)
La première tentative d'évangélisation
des îlesSalomon par une mission catholique remonte à 1845.
En moins de deux ans,l'essai de Mgr Epalle, marqué de plusieurs
morts violentes, se soldaitpar un échec et un abandon. Il fallut
attendre plus d'undemi-siècle - cinq ans après la déclaration
du Protectoratanglais sur les îles en 1893 - pour que les Maristes
de Fidji, sousl'instigation de Léon XIII, songeassent à
reprendre latâche abandonnée par la première générationde
pionniers. En mai 1898 la mission prenait pied à Rua-Sura - les
deuxSura - îlots inhabités de la côte Nord de Guadalcanal.
C'estlà qu'on s'installe avec quelques catéchistes fidjiens.
C'estlà qu'on attire les travailleurs-écoliers qui deviendront
lespremiers éléments de la mission. Avec eux on apprend
la langue.C'est là que sera fondée une école de catéchistes.On
a un bateau. On fait des voyages " d'exploration ". Ainsi secréent
peu à peu un certain nombre de stations sur l'île deGuadalcanal
: Avu Avu, en 1899; Tangarare, en 1900, dont la langue, le dialectede
Gare, va devenir la langue diffusée par la mission; Visale et Marau,en
1904. L'année précédente, le Père Bertreux
aété nommé Préfet apostolique de la mission.
En1909, la mission passe à San Christoval, où la station
àWanoni Bay est fondée. En 1912-1913, c'est Malaita qui
esttouchée, où les stations de Rohinari et de Buma sontfondées
sur la côte est de l'île. Tous cesétablissements créaient
des obligations d'enseignement, desproblèmes scolaires; et les
écoles, celui des livres. On setourna tout d'abord, comme naturellement,
vers la mission mère, celle deFidji, qui possédait une imprimerie.
Et le premier volume en langueGare, un catéchisme précédé
d'unabécédaire, sera tiré à Levuka, sur les
presses dela mission de Mgr Vidal. On regarda ensuite vers Sydney. Au
début dusiècle, les navires de Burns Philip et ceux de Lever
Brothers touchaientl'archipel une quinzaine de fois par an. C'était
à Sydney,où était installée la Procure mariste,
que lesPères allaient se soigner. En 1905, le Père Bouillon,envoyé
à Sydney pour raisons de santé, en revenait avecdeux petits
ouvrages imprimés sur place, destinés à lamission
de Tangarare. Cinq ans plus tard, le préfet apostoliquedépêchait
le Père Raucaz dans la capitale australienne. Ilavait mission d'y
faire imprimer une Histoire Sainte. En même temps lePère
Raucaz devait effectuer un stage à l'écoleprofessionnelle
des Frères maristes, à Westmead, pour y apprendrele métier
d'imprimeur. Le Père Raucaz revint aux Salomon septmois plus tard,
s'étant initié là bas à lacomposition et au
tirage. "He brought with him a Platen Machine, type,etc. everything
sufficient to make a start. On his arrival at Rua Sura, wherehe was appointed
superior at that period, he set to work to install the machineand to compose
the first work printed in the Solomons. This press was the firstin these
islands. " Avant la fin de l'année 1910, avec le concoursde
jeunes indigènes formés à la manuvre de lamachine,
une imprimerie était en mesure de fonctionner à RuaSura.
La première uvre qui porte le label " Catholic Mission,Rua
Sura ", est une brochure de 8 pages intitulée Na tsigooianaJesu
Kristo ta na Ukaristia. Un calendrier pour l'année 1911 ne devaitpas
tarder à voir le jour. Enfin, dès janvier 1911, la missionlançait
un périodique, Na turupatu, " les Nouvelles ",qui devait
connaître une belle carrière. Ces publications, aussimodestes
qu'elles peuvent nous paraître, apparaissent dans les Salomondes
années 10 du siècle comme un " événement"
pour les indigènes vivant dans la mouvance de la mission. Chaqueparution
était attendue. Le Père Raucaz avait vu juste. Les deuxpériodiques
qu'il lançait témoignaient, à leurmanière,
de l'allant de la mission catholique, et découvraientà ces
hommes d'une civilisation de la parole le monde, nouveau pour eux,de la
pensée écrite et de l'imprimerie. Le Père Raucaz
quidevait, en 1920, prendre la succession de Mgr Bertreux comme vicaireapostolique,
mérite bien d'être appelé le fondateur del'imprimerie
de la Mission. Le hasard veut que deux excellentes photographiesprises
à la fin de 1910 nous aient conservé l'image du premieratelier
d'imprimerie des îles Salomon. Elles nous présentent lePère
Raucaz et le salomonais Samuel dans l'atelier construit àRua Sura.
L'une nous montre la machine à plateau; l'autre le coin de lacomposition
avec les casiers contenant les différentes polices decaractères.
Samuel figure dans les deux clichés. S'ilpossède un pagne,
maintenu par une ceinture de cuir, deux signesévidents d'un stade
fort évolué, il a encoreconservé son collier en dents
d'opossum agrémenté, dans ledos d'une brasse de monnaie
indigène, et son oreille gauche s'orne deboucles d'oreilles en
coquillages. Le Père Raucaz quittait Rua Sura en191l, nommé
à Rubiana. C'est alors qu'apparaît dansl'histoire de la mission
le célèbre Brother George, qui trenteannées durant,
allait devenir l'imprimeur de la mission. George RichardDwyer est un Australien
de Newcastle, qui, après des études chezles Maristes, demande
en 1911 à servir la mission des Salomon du Sudcomme auxiliaire
laïc. A ce titre il passe quelque temps à RuaSura. Le Père
Raucaz, qui a reconnu ses qualités dechrétien généreux,
d'homme ordonné, et d'habilemécanicien, aura vite fait d'affirmer
sa vocation missionnaire et de luitirer l'horoscope des imprimeurs...
Et de fait, sur place, George Dwyer sedécida de consacrer sa vie
au service de la mission. Les Pères,qui l'ont vu à l'uvre,
avaient apprécié sacollaboration. On l'envoya au début
de la première guerremondiale à Grenmeadows, en Nouvelle-Zélande,
où il faitson noviciat avant de regagner les Salomon. La presse
installée par lePère Raucaz se trouvait située à
Rua Sura. C'est làque le Frère George commença à
travailler. Une despremières décisions prises par Mgr Raucaz,
après sanomination comme Vicaire Apostolique, sera de transporter
le centre de laMission de Rua Sura à Visale. L'imprimerie suit.
Et le Brother Georgecontribue à l'installation de la station de
Visale. Mgr Raucaz aconservé un coin du coeur pour l'imprimerie
qu'il a créée." Lors de son voyage à Sydney
pour sa consécrationépiscopale, il acheta sur place une
machine Wharfedale, pour faciliterl'impression des livres et des clichés,
ainsi qu'une machine àbrocher et une presse à épreuves.
A son retour son premier soinfut de faire agrandir l'imprimerie, à
Rua Sura, pour recevoir cettegrosse machine. Lorsqu'elle arriva, elle
était en piècesdétachées. Aucune notice, aucun
plan de montage nel'accompagnait. Mgr Raucaz et le bon Père Bouillon
me donnèrentun coup de main pour mettre toutes ces tonnes de ferraille
en état demarche. Ce ne fut pas facile. Nous y passâmes plusieurs
semaines d'untravail acharné. Enfin tout fonctionna... Ce fut alors
que le courriernous apporta plans et notices qui nous eussent évité
bien destâtonnements! ". Et le Frère d'ajouter, dans
la lettre de1935 où il raconte cette aventure : " lors du
transfert del'imprimerie de Rua Sura à Visale, l'évêque
eutl'idée d'une heureuse amélioration. Il me fit capter
une chuted'eau, qui permit l'installation d'un moulin à eau, chargé
defaire marcher la presse. Ce canal d'alimentation nous évitera
bien despeines et bien des impatiences. " Toujours dans cette même
lettre de1935, revenant sur ses souvenirs d'imprimeur, le Brother George,
ajoutait :" J'ai peut-être oublié de vous signaler que
le bonPère Bouillon fut jusqu'à sa mort notre censeur et
notrecorrecteur d'épreuves. J'ai reçu de lui une aide précieuseet
de nombreux encouragements... C'est maintenant de mon devoir de maintenirles
bonnes traditions de cette imprimerie et de mener à bienl'uvre
de mes prédécesseurs. " A ses fonctionsd'imprimeur,
le Frère George joignait aussi celles d'ingénieurélectricien.
" Peu avant sa maladie, l'évêque mechargea de l'Electric
Light Plant et de l'entretien des différenteslignes. Naturellement
toute la machinerie [dynamos, transformateurs etaccumulateurs] est abritée
sous le même toit que l'imprimerie, sibien que je puis tout surveiller
sans difficultés. Le soin des appareilsélectriques fait
aussi de moi un opérateur de cinéma. Nousavions déjà
une bonne série de films. Ceux que vous nousavez récemment
fait parvenir [il s'agissait sans doute de films surFidji, la Nouvelle-Calédonie,
et les Salomon, dont le R. Père L.L. Dubois, assistant pour les
missions, avait assuré le tournage, lemontage, l'édition
et aidait la distribution] sont une notable additionà notre collection
de 44 films, tous aussi intéressants pour lesindigènes que
le jour de leur arrivée ! ". Lesprocédés audiovisuels
les plus modernes étaientutilisés aux Salomon bien avant
la seconde guerre mondiale ! "J'eus l'occasion, écrira le
P. O'Reilly, de faire la connaissance duFrère George lors d'un
rapide passage à Visale en 1934. Je pusainsi recueillir sur place
des abécédaires, des tableaux delecture, des feuillets consacrés
aux chiffres et aux quatreopérations auxquels, dans la suite jamais
le Frère George ne feraallusion. Ils témoignent qu'à
côté des "travaux de labeur " dont il s'honorait,
il a dû imprimer de nombreux" bilboquets ", qu'il devait
considérer comme " travauxde ville " et ne pas compter
dans ses statistiques. Nous restâmes enrelations par la suite. En
février 1935, le Turupatu en fait foi, ilcélèbre
les noces d'argent des presses de la Mission. A lamême date, il
écrit avec humour à Rome, au Père L.L. Dubois - "
Cette année, je serai plus occupé que jamais :quatre livres
à faire paraître. Tous dans des dialectes quej'ignore. Je
suis au moins sûr de ne pas perdre mon temps en lisant lesmanuscrits
! ". Le 26 août 1939 il m'envoyait 26 de ses plusrécentes
publications. Malgré la guerre, les trois colis finirentpar me
parvenir. " C'est bien regrettable, m'écrivait-il àcette
occasion, que je n'ai pas su plus tôt votre désir deconserver
par devers vous, à Paris, les impressions de Visale. C'est unpeu
tard maintenant. Il m'est bien difficile de retrouver certaines plaquettes.Malgré
tout, j'ai eu la chance de trouver encore des exemplaires despublications
du Père Bouillon. En tous cas, je garde la liste de ce queje vous
envoie. Et dorénavant... " Hélas ! la guerre dans lePacifique
et la présence des Japonais aux Salomon devait laisser sanssuite
cette proposition. En 1942 le Frère George évacuait lesSalomon.
Il ne devait revoir les îles qu'une fois la paix revenue. Il nerestait
naturellement plus rien de la Mission de Visale et de son imprimerie ;la
prise du champ d'aviation de Henderson Field, à Guadalcanal, ayantété
une des plus dures opérations de la guerre dans lePacifique. Le
9 janvier 1947, le Frère écrivait à Rome" Je
suis de nouveau dans les îles de mes rêves aprèsun
long exil de près de trois ans et demi. Pas besoin de vous dire
queje suis bien installé, dans le nouveau quartier général
dela Mission, juste en dehors des limites d'Honiara, notre nouvelle capitale.J'ai
repris mon ancien travail d'imprimeur et de procureur. Monseigneur m'amême
donné le titre de Procureur-assistant! Pendant de nombreusesannées,
j'avais assumé cette charge sans avoir reçuofficiellement
le portefeuille de ma fonction. Et, plus que jamais, imprimeurà
plein temps! Tous les indigènes ont perdu leurs livres durantleurs
séjours dans le bush pour échapper aux Japonais pendantl'occupation
des îles. " La nouvelle station est un endroit fortagréable.
Elle est encore dans le district de Visale, si bien que j'yconnais tout
le monde. Tous les adultes ont été jadis mesélèves.
Je ne me sens pas du tout parmi des étrangers..." Je vis avec
les frères John, Chanel, Andrew. Le PèreScanlon nous sert
actuellement d'aumônier. En ce qui concernel'imprimerie, elle a
été très bien installée. Lebâtiment
est bien aéré et frais. J'y ai beaucoup de place.Grâce
à mon séjour en Nouvelle-Zélande, j'ai obtenuune
très bonne presse, et tous ses accessoires. Ce sont mes amis deNouvelle-Zélande
qui m'ont procuré tout ce matériel, Etc'est également,
grâce à de puissantes amitiéslocales, qu'après
avoir pu obtenir tout cela il me fut ensuitedonné la permission
de l'exporter. Ce ne fut pas une petite affaire !... " Je vous ai
signalé la présence du frère Chanel.Sa venue parmi
nous a été une aubaine pour la Mission. A la foisingénieur
et mécanicien, il est tout à fait l'hommenécessaire
pour une mission en reconstruction. A son arrivée,aucun navire
n'était en mesure de prendre la mer. Maintenant, le Hambia[la goélette
de la Mission] et les pinaces sont en état demarche. Et à
combien de jeeps, de camions et de commandcar n'a-t-il pasredonné
la vie ! ". Ainsi les presses d'Honiara vont-elles prendrela suite
de celles de Rua Sura et de Visale. Dix années encore leFrère
George les animera de son ardeur et de sa compétence. Onavait d'abord
songé à donner aux indigènes des livresreligieux
: lectures de la Bible, catéchismes, prières etcantiques.
Maintenant les problèmes d'éducation et d'enseignementprennent
le pas. On travaillera même une fois ou l'autre pour legouvernement,
au sujet des affaires du Marching Rule : une manifestationsalomonaise
du cargo cult aboutissant dans un mouvement pourl'indépendance.
Le Frère George est heureux de la tâchequ'il accomplit aux
Salomon. Il se réjouit même d'avoirtrouvé des "
clients " intéressés par sespublications, les incunables
de Guadalcanal et de Malaita. C'est le Juge J. A.Ferguson (1881-1969),
un grand bibliophile et bibliographe australien, alorspassionné
par les impressions des Nouvelles-Hébrides, qui sembles'être
d'abord intéressé aux presses des îlesSalomon. "
Mr. Ferguson started early, and I must say that due to his keeninterest
he has the best of our press, outside Visale. The Maison Generaliceand
Propaganda, in Rome, have been well supplied. The Alexander TurnbullLibrary
in Wellington, New Zealand, has also a fair amount. The latest demandreceived,
was the Mitchell Library, Sydney. So our productions seem to be infavour
for the time being. " Cette lettre était écrite en1939.
Le Frère George était fier de pouvoir classer sacollection,
à Visale, comme la première au monde. Sagénérosité
à l'égard desbibliothèques spécialisées
du Pacifique et envers ses amisd'Europe aura au moins permis que ses travaux
- en attendant la bombe atomique- - soient conservés en quelques
coins du monde demeurés hors.des atteintes des destructions de
la barbarie guerrière. Que cettebibliographie constitue comme un
petit monument de gratitudeélevé à ce modeste mais
efficace serviteur de la culturechrétienne et humaine dans les
missions des Salomon, où il devaitmourir, à l'ombre de ses
presses, après 48 heures de maladie, le5 janvier 1957. Le flambeau
qui tombait de ces mains courageuses fut repris parun de ses collaborateurs,
le frère Joseph Chanel Gordon-Howard, unmariste américain
arrivé aux Salomon en 1953, mais que sasanté obligera dès
juillet 1959 à regagner lesÉtats-Unis. C'est alors le frère
Andrew Ayliffe, un australien deTownsville (Queensland) qui reçut
en charge l'imprimerie. Il travailleactuellement aidé par le frère
Jérôme Hura, unfrère indigène salomonais; deux
ou trois compagnons lesassistent. " Nous faisons travailler des invalides
",écrit-il. " L'état de nos presses est plutôtmisérable
ces temps-ci, veut bien nous. écrire Mgr Stuyvenberg.Le Frère
George avait toujours travaillé avec du matérielde conception
ancienne. Le frère australien qui a maintenant la chargede l'imprimerie
a acheté d'occasion une machine offset. Mais elle setrouve à
l'étroit dans le local que nous avons pu lui accorder.Et nos capacités
financières actuelles ne nous permettent pasd'envisager les bâtiments
qui nous donneraient la possibilitéd'aller de l'avant. Nous avons
même bien du mal à tourner auralenti. " Même son
de cloche du côté du frèreAndrew. Il rêvait
" de moderniser son matériel et de faire deson imprimerie
une sorte d'école professionnelle, qui aurait eu sa placedans le
Training Trade Center de Tenaru. Les dégâts causéspar
le cyclone de Pâques dans les plantations ont contraintI'Évêque
à restreindre les activités accessoires dela mission pour
se concentrer sur, l'essentiel ". Par les temps quicourent, même
en Océanie, les budgets pour maintenir leuréquilibre doivent
comporter des restrictions drastiques! Tels sont lesrenseignements généraux
d'ordre historique que nous avons purecueillir pour donner un peu de vie
à la liste qui va suivre. Lebouleversement causé par l'invasion
japonaise sur le territoire de cesmissions au cours de la seconde guerre
mondiale, en détruisant lesarchives locales, a considérablement
restreint nos sourcesd'information. Au moins avons-nous pu localiser les
presses et savoir qui enavait la responsabilité. On trouvera, dans
les notes accompagnant lesentrées du catalogue, toute les données
que nous avons pudécouvrir concernant chaque ouvrage en particulier.
Patrick O'REILLY etHugh LARACY.
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