PREFACE
Devant l'extension écrasante
de la civilisation et l'anéantissement des cultures traditionnelles,
l'archéologie reste l'un des derniers champs de l'aventure ethnologique.
Pratiquer au bout du monde une fouille qui s'apparente plutôt à
de la dissection qu'à du terrassement, dégager finement
et respectueusement sur de larges surfaces les traces fugaces de l'installation
d'une habitation dont les occupants sont morts depuis des siècles,
explorer au grattoir fin le pavement d'un lieu sacré pour retrouver
les indices de son époque et de sa fonction, se situe, par rapport
à une fouille de récupération stratigraphique, même
correcte, dans les mêmes termes que la chasse cinématographique
en face du meurtre (fût-il propre et expéditif) de l'éléphant.
La comparaison est moins incongrue qu'il ne paraît de prime abord
car tuer pour rapporter de l'ivoire et filmer pour emmagasiner de la vie
sont deux attitudes qui ont leur exacte réplique en archéologie.
Trop souvent, cette dernière est balancée entre les extrêmes
de la quête brutale des dépouilles et les paysages arides
des statistiques stratigraphiques. Il y a pourtant toujours eu place pour
une pratique archéologique plus humaine, qui cherche dans le mort
une image de ce que fût le vivant et qui ne lèse en rien
les droits à la protection des beaux objets et ceux non moins légitimes
de la stratigraphie. Les points de vue sont parfaitement conciliables,
mais pour qu'il y ait conciliation et qu'on puisse tirer d'une fouille
tout ce qu'elle contient d'information "vivante", il est nécessaire
que la fouille ethnologique passe la première car le sol une fois
remué, il ne reste que de menus tessons, des bracelets de coquillages,
ou quelques haches polies: rien ne survit de ce qui donnait souffle et
présence aux hommes disparus. L'archéologie océanienne
est un domaine très riche et sur lequel, depuis un demi-siècle,
de nombreux travaux ont été écrits. Comme l'archéologie
des Esquimaux, elle côtoie l'histoire. La plupart des Océaniens,
encore totalement inconnus à la fin du XVIIème siècle,
sont, pour nous, brusquement passés de la préhistoire à
l'histoire et les fouilles ont à remonter toute la filière
depuis hier jusqu'au fond d'un passé que les recherches situent
d'années en années plus loin. Mais c'est sans doute là
une vue européo-centriste : la tradition orale, en milieu humain
sans écriture, fait l'objet de soins particuliers car, très
souvent, le mythe est à la fois cadastre et généalogie,
c'est-à-dire que la survie sociale, individuelle et collective,
est liée à sa conservation. Depuis près de deux siècles,
de nombreux mythes et récits, mélanésiens ou polynésiens,
ont été enregistrés par les soins des ethnologues
et des linguistes et leur étude a donné lieu à une
abondante floraison de théories historiques. Mais il n'est pas
souvent arrivé, dans la pratique archéologique, que parti
d'un récit et en collaboration avec les descendants d'un héros
mythique, l'archéologue mette au jour la sépulture vieille
d'un demi-millénaire de ce héros et de ses épouses,
dans la position et avec les parures dont le détail était
resté fixé dans la mémoire collective. Plus rarement
encore est-il arrivé à l'archéologue de réitérer
avec succès une telle opération et d'aboutir à la
découverte d'un autre héros, inhumé avec trente-trois
victimes humaines. Quoiqu'on puisse penser, la connaissance du passé
ne repose pas sur des fouilles hâtives et même si l'archéologue
est envoyé à grands frais sur l'autre face du globe, la
dissection méticuleuse de larges ensembles est une opération
scientifiquement rentable. On frémit en pensant que l'archéologue
aurait pu se satisfaire de quelques sondages pour établir la chronologie
à partir des tessons ou d'une fouille de mercenaires avec récupération
des beaux objets. Que la chronologie et l'analyse des objets non seulement
n'aient pas subi de préjudice par rapport à l'ethnologie,
mais qu'ils en aient largement bénéficié, est attesté
par le contenu des chapitres consacrés à la typologie. La
dernière image de terrain enregistrée, les colliers, les
herminettes, la céramique, sont prêts à suivre la
filière de l'observation et de la statistique. Il est difficile
d'en donner meilleure démonstration que dans ce travail.
André LEROI-GOURHAN,
professeur au Collège de France.
INTRODUCTION
1-1 JUSTIFICATION ET HISTORIQUE DES RECHERCHES
ENTREPRISES
1-1-1 : LA PRÉHISTOIRE OCÉANIENNE. La Préhistoire
océanienne est une science récente et qui ne prit son véritable
essor qu'après la seconde guerre mondiale. Avant 1945 sans doute,
et plus précisément depuis les années vingt de ce
siècle, de nombreux travaux furent publiés mais qui ne concernaient
que la description des structures lithiques repérables en surface
: travaux de Linton aux îles Marquises en 1920, de K. P. Emory aux
îles de la Société et dans les archipels voisins à
partir de 1925, de Mac Kern aux îles Tonga (McKERN : 1929), de Métraux
et Lavachery à l'île de Pâques en 1934, pour ne citer
que les principaux. Les chercheurs étudiaient la typologie des
herminettes recueillies en surface car cet outil apparaissait déjà
comme l'un des fossiles directeurs les plus importants pour la compréhension
du passé océanien. L'intérêt se portait alors
sur les différentes cultures de l'aire océanienne, divisée
en Mélanésie, Micronésie et Polynésie. Il
importait de préciser les caractères raciaux, linguistiques
et socio-religieux des populations de chacune de ces régions et
de faire l'inventaire précis des témoins de leur culture
matérielle. Des vagues de migrations successives vers l'est, d'inégales
extensions mais toujours sans retour, pouvaient seules expliquer, en effet,
l'apparente simplicité des mondes mélanésiens et
micronésiens et l'évidente diversité du monde polynésien.
Cependant, la civilisation polynésienne, prise dans son ensemble,
était considérée comme un phénomène
récent et qui n'avait pu laisser de trace dans les profondeurs
du sol. Les diversités remarquées dans chaque archipel n'étaient
pas le résultat d'une évolution interne mais la conséquence
de l'éloignement plus ou moins grand, dans le temps et dans l'espace,
du foyer colonisateur principal et des foyers secondaires de colonisation.
Il apparaissait donc vain d'aller chercher à grand'peine dans le
sol ce que l'on pouvait aisément recueillir en surface et plus
urgent de sauver ces témoins superficiels; plus urgent, également,
de recueillir les traditions orales qui aideraient à comprendre
le cheminement des hommes à la conquête des îles du
Pacifique. L'origine de ces populations qui, pour la première fois
dans l'histoire de l'humanité, osèrent ne plus considérer
l'océan comme un obstacle infranchissable restait, et reste, un
problème. Celui-ci poussa les esprits les plus inventifs à
imaginer sa solution avec une surprenante audace, parfois, et en ne se
fondant que sur les rares résultats déjà acquis.
Peu à peu, les travaux des anthropologues, des linguistes et des
ethnologues, l'abondance et la complexité des traditions recueillies
et l'affinement de la typologie comparée des outillages lithiques,
soulevèrent plus de problèmes qu'ils n'apportèrent
de solutions. Les frontières, anciennement précisées
entre la Mélanésie, la Micronésie et la Polynésie,
apparurent pour le moins arbitraires. Les grandes synthèses aventureuses
furent négligées ou du moins réduites à de
simples hypothèses de travail. C'est dans l'île sud de la
Nouvelle-Zélande que furent entreprises les premières fouilles
archéologiques et ceci, dès 1920 et grâce à
l'initiative de H. D. Skinner, Roger Duff, poursuivant un travail analogue
dans l'île du nord, put démontrer l'intérêt
d'une démarche proprement archéologique qui permettrait
un contrôle objectif et réciproque des données de
la tradition et de l'interprétation des documents décelés
dans le sol (Roger DUFF 1950/1956, p. 21 et 282-285). La publication de
ces travaux engagea les chercheurs dans une voie nouvelle celle de l'archéologie
préhistorique, comprise comme une discipline autonome mais qui
ne devait pas, pour autant, négliger les ressources de l'ethno-histoire
dans la recherche du passé océanien. Cette dernière
tendance, trop défiante des traditions, apparaissait déjà
dans le Pacifique occidental où l'on estimait plus prudent de ne
se fier qu'à la stratigraphie, à la typologie comparée
et à la toute nouvelle méthode de datation absolue par le
carbone 14. En 1950, K. P. Emory entreprenait l'étude de plusieurs
abris sous roche situés à la pointe sud-est de Oahu (K.
P. EmORY et Y. H. SINOTO : 1961). Ces sites hawaïens confirmaient
les découvertes effectuées en NouvelleZélande, c'est-à-dire
la possibilité d'une stratification de plusieurs niveaux culturels
dans les îles océaniennes. Ils permirent en outre l'étude
typologique d'un nouveau fossile directeur : l'hameçon océanien
(K. P. EmoRy, W. J. BONK, Y. H. SINOTO : 1959, Y. H. SINOTO : 1962). La
synthèse des différentes recherches effectuées dans
le Pacifique, sud de 1947 à 1958, fut écrite par Jack Golson
(J. GOLSON : 1959), il serait inutile d'en refaire ici l'exposé.
Remarquons seulement que, en dehors des îles Hawaï et de la
Nouvelle-Zélande, les chercheurs portèrent leurs efforts
sur l'étude de cinq régions différentes : 1 . La
Mélanésie orientale : Fidji (E. W. GIFFORD : 195 1) et Nouvelle-Calédonie
(E. W. GIFFORD et D. SHUTLER Jr. : 1956); 2. La Micronésie : cette
région n'était plus considérée comme la seule
voie des migrations polynésiennes, hypothèse que Peter Buck
avait développée dans son ouvrage " Vikings of the
sunrise " (1938), publié en français en 1952 (P. BUCK
: 1952), mais comme l'une de leurs voies possibles et qui pourrait expliquer,
en particulier, la présence de l'herminette à épaulement
en Polynésie orientale et son absence de la Polynésie occidentale
comme de la Mélanésie. Alexander Spoehr conduisit ses recherches
aux îles Mariannes en 1949 et 1950 (A. SPOEliR : 1957), Douglas
Osborne aux îles Palaos en 1954 (D. OsBORNE : 1962 et 1966), E.
W. Gifford à Yap en 1956 (E. W. GIFFORD : 1959); 3. La Polynésie
occidentale, en 1957, avec les travaux de Jack Golson aux îles Tonga,
de J. Golson et de W. R. Ambrose aux îles Samoa (J. GOLSON: 1957
et 1961: p. 172-176) où, pour la première fois, des tessons
de poterie furent mis au jour; 4. Les îles Marquises où la
mission norvégienne, dirigée par Thor Heyerdahl, travailla
quelque temps à Hivaoa et à Nuku-Hiva (T. HEYERDAIIL et
E. N, FERDON: 1965) et dont l'étude la plus remarquée fut
celle qu'en fit Robert C. Suggs en 1957 (R. C. SUGGS : 1961); 5. L'île
de Pâques, enfin, étudiée par l'équipe de Thor
Heyerdahl (T. HEYERDAHL et E. N. FERDON : 1961). A la veille du Xème
congrès des sciences du Pacifique, la nécessité était
apparue de coordonner les efforts, jusqu'ici dispersés, des différents
centres de recherche oeuvrant dans le Pacifique et de définir les
zones à étudier en priorité pour une meilleure compréhension
des processus de peuplement du Pacifique sud. L'étude coopérative
des archipels marginaux de la Polynésie orientale : " Les
trois sommets du triangle polynésien ", n'était pas
des plus urgentes. Les îles Hawaï et la Nouvelle-Zélande,
riches de chercheurs et de laboratoires, pouvaient, sans un concours extérieur,
assurer seules le développement de leur préhistoire déjà
fort clarifiée. La courageuse épopée de Thor Heyerdahl
et les travaux qu'il venait d'effectuer avec son équipe à
l'île de Pâques, avaient ranimé un débat vieux
de plus d'un demi-siècle. Les séquences culturelles de l'île
avaient été précisées en se fondant principalement
sur l'analyse des structures religieuses : les ahu. L'origine péruvienne
de la civilisation pascuanne n'avait pas été démontrée
et encore moins, par conséquent, l'origine amérindienne
des populations polynésiennes. Ces recherches eurent le mérite
d'attirer, à nouveau, l'attention sur les contacts probables des
anciennes populations de la Polynésie extrême-orientale et
de la côte sud-ouest de l'Amérique. Il paraissait cependant
plus urgent de poursuivre l'étude des îles Marquises, généralement
reconnues comme le pays d'origine des Pascuans (cf. : Alfred MÉTRAUX
: 194 1, p. 180-18 1) et plus proches des îles de la Société,
encore considérées comme le premier foyer de la colonisation
du Pacifique oriental. La Micronésie est un monde trop immense
pour qu'on pût espérer animer rapidement le désert
archéologique qui sépare encore la Micronésie occidentale
de la Polynésie. La connaissance de ces régions est certes
indispensable pour préciser l'influence éventuelle des populations
côtières de l'Asie tropicale et tempérée sur
celles de la Polynésie : on ne pouvait cependant envisager, pour
un avenir immédiat, que la poursuite des travaux entrepris en Micronésie
occidentale (ce que fit Fred M. Reinman à Guam), une première
approche des îles équatoriales : travaux de R. V. Lampert
aux îles Gilbert et de J. M. Davidson aux îles Carolines et
l'étude archéologique des îlots polynésiens
isolés en Micronésie, ainsi celle de Nukuoro par J. M. Davidson
(4). Plusieurs programmes de recherches furent proposés au Xème
congrès des sciences du Pacifique, l'accord fut cependant unanime
sur le choix du Pacifique sud-occidental et de la Polynésie centrale
comme zones vers lesquelles devaient tendre, en priorité, les efforts
communs de tous les archéologues. Le choix des îles de la
Société avait déjà été proposé
par K. P. Emory (1953, p. 754) et par J. Goison (1959, p. 47). Les traditions
désignent en effet cet archipel comme l'Hawa'i des Hawaïens,
des Maoris de NouvelleZélande et de bon nombre de Polynésiens
orientaux. Aucune fouille scientifique n'y avait été effectuée
avant l'arrivée de l'expédition du Bishop Museum en avril
1960. Il importait d'en découvrir les différents niveaux
culturels, de définir, en particulier, les caractères d'une
éventuelle culture proto-tahitienne et de préciser ses rapports
avec, d'une part, les anciens niveaux à affinités mélanésiennes
découverts par R. C. Suggs à Nuku-Hiva (1961, p. 180-181)
et d'autre part, ce que l'on savait déjà des anciennes cultures
de la Polynésie occidentale. Trois missions archéologiques
ont pris ces recherches pour tâche : K. P. Emory et Y. H. Sinoto
(B. P. Bishop Museum), assistés de Marimari Kellum et de Pierre
Vérin de l'Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer;
Roger Green (American Museum of Natural History et Harvard University),
assisté de C. K. Green, de R. A. Rappaport et de A. Rappaport (Université
de Columbia), puis de J. M. Davidson de l'Université d'Auckland
; mission conjointe du Centre National de la Recherche Scientifique et
de l'O.R.S.T.O.M. (J. GARANGER: 1964 et 1967). Les résultats de
ces différentes recherches nous offrent une vision assez claire
de la dernière période de la préhistoire tahitienne
ou " époque des marae ". Un niveau culturel plus ancien
fut découvert à Maupiti mais, malgré leurs efforts,
aucun archéologue ne put mettre au jour les traces d'une culture
" pré-Maupiti " ou " proto-tahitienne ". A
la suite de leur découverte du site de Maupiti et des résultats
obtenus dans les autres archipels de la Polynésie orientale, K.
P. Emory et Y. H. Sinoto (1964 a et 1964 b), estimèrent que les
îles Marquises avaient été le premier foyer de peuplement
du Pacifique sud-oriental, les îles de la Société,
colonisées par des Marquisiens, perdant ainsi le rôle primordial
qu'on leur attribuait jadis (7). Les étapes successives de ce peuplement
auraient été les suivantes : a) vers l'année 100
avant J.-C., arrivée aux îles Marquises de gens partis de
la Polynésie occidentale; b) vers 200 après J.-C., des Marquisiens
colonisent les îles de la Société, puis c) l'île
de Pâques, vers l'année 500 de notre ère, puis, vers
750 : d) les îles Hawaï où l'outillage et les ornements
corporels les plus archaïques sont semblables à ceux, contemporains,
des îles Marquises; e) aux environs de l'an 900, des Tahitiens gagnent
la Nouvelle-Zélande puis; f) les îles Hawaï vers les
années 1250. A la suite des fouilles effectuées par Y. H.
Sinoto à Nuku-Hiva et à Hua-Huka, K. P. Emory et Y. H. Sinoto
furent conduits à modifier le précédent schéma.
La présence, dans les sites marquisiens et néozélandais,
de perles d'os ou d'ivoire en forme de bobines transversalement cannelées
(14), de têtes de harpons et d'aiguilles à tatouage, et leur
absence des îles de la Société, laissaient penser
que des Marquisiens étaient allés s'installer en Nouvelle-Zélande
postérieurement à la migration des Tahitiens. Ces deux auteurs
se sont ensuite demandé si cet ordre ne devait pas être inversé
et même, si la migration tahitienne avait bien existé. Ces
théories migratoires ne sont que des hypothèses de travail.
La non-découverte d'une culture " préMaupiti "
aux îles de la Société ne signifie pas nécessairement
son absence. La distance est bien grande entre la Nouvelle-Zélande
et les îles Marquises, et la possibilité d'une migration
directe de celles-ci vers celle-là reste douteuse, plus improbable
encore est l'hypothèse de plusieurs migrations. On imaginerait
plus aisément qu'une culture, apparue dans un archipel intermédiaire,
ait influencé aussi bien les îles Marquises que la Nouvelle-Zélande
(L. M. GROUBE : 1968, p. 146-147). Les îles de la Société
apparaissent donc bien encore comme l'un des archipels de la Polynésie
orientale qu'il importe d'étudier et où les archéologues
doivent renouveler leurs efforts. Enfin, des études récentes
viennent de ressortir de l'ombre l'ancien problème d'un éventuel
apport mélanésien, ou du moins mélano-polynésien,
dans les anciennes cultures néo-zélandaises (l. W. KEYES:
1967). Ceci, d'une part, permettrait d'expliquer la présence d'éléments
ouest-pacifique dans ces niveaux archaïques, sans avoir besoin de
faire appel à une migration marquisienne. Ceci, d'autre part, justifie,
à posteriori, le choix par les congressistes d'Honolulu, du Pacifique
sud-occidental comme une deuxième région dont l'étude
archéologique était des plus urgentes. La découverte,
aux îles Marquises, de niveaux culturels à affinités
mélanésiennes (ou samoanes) : herminettes, kapkap, céramique,
démontrait la nécessité de préciser la préhistoire
de la Polynésie occidentale et de la Mélanésie orientale.
Les archéologues avaient décelé, dans ces régions,
d'importants courants d'échanges culturels. C'est ainsi que la
poterie dite du type " Lapita-Watom ", déjà connue
à l'ïle des Pins, au sud de la Nouvelle-Calédonie (LENORAND
: 1948; AVIAS : 1950), au nord de la Nouvelle-Bretagne, à Watom.
(O. MEYER : 1909), et aux îles Tonga (McKERN : 1929, p. 115-159),
avait été mise au jour sur la côte sud-occidentale
de Viti Levu (Fidji), en 1947 (GIFFORD : 1951), et, en 1952, sur la côte
sud-ouest de la Nouvelle Calédonie, au site éponyme de Lapira
: GIFFORD et SHUTLER : 1956, pages 7 et 75 (15). Les linguistes, en cherchant
à démêler la complexité des langues océaniennes,
avaient depuis longtemps distingué les langues austronésiennes
(ou malayo-polynésiennes) d'origine asiatique, des langues papoues
(ou non-austronésiennes), plus anciennes en Océanie. Quelles
que soient les théories linguistiques qui considèrent le
proto-polynésien comme une langue austronésienne, issue
des langues de la Mélanésie insulaire, influencées
ou non, par les langues papoues, ou comme une langue directement dérivée
de l'austronésien asiatique, ou comme une langue proto-est-austronésienne,
influencée, très tôt par le proto-indonésien
et postérieurement, ou jamais, par les langues de la Mélanésie
insulaire, tous les auteurs s'accordent pour chercher l'origine des langues
est-polynésiennes dans le Pacifique sud-occidental. Les ethnologues
étaient aussi de cet avis, qui avaient, depuis longtemps, souligné
l'importance des échanges culturels entre la Mélanésie
orientale et la Polynésie occidentale et ce, pendant les derniers
siècles de la préhistoire océanienne et plus particulièrement
au temps de l'expansion de l'empire des Tui Tonga (Jean GUIART: 1963 a,
p. 661-662). Ils en étaient venus à cette pensée
que " ce qui devait être l'ethnie polynésienne s'est
constitué quelque part dans cet ensemble avant de pousser au-delà
de Samoa... " (J. GulART : 1963b, p. 25). Il appartenait aux archéologues
de retrouver, dans le sol, les témoins de ces anciennes migrations,
de ces anciennes influences ou échanges culturels qui contribuèrent
à l'élaboration des civilisations océaniennes telles
qu'elles apparaissaient à l'arrivée des Européens.
Les résultats précédemment obtenus, et déjà
cités, ne permettaient pas d'obtenir des corrélations suffisamment
nombreuses et certaines entre les différentes zones de cette région
" mélano-polynésienne " du Pacifique sud-occidental.
Depuis 1961, des prospections et des fouilles ont été effectuées
aux îles Samoa (cf. GREEN : 1964a et 1964b; DAVIDSON : 1964; GREEN
and J. DAVIDSON : 1969; EMORY et SINOTO : 1965, p. 40-48; SCOTT : 1965
et 1968; BUIST : 1966; TERRELL : 1966). Des tessons d'une poterie non
décorée furent à nouveau mis au jour dans les niveaux
les plus profonds, datés du 1er siècle de notre ère
(GREEN et DAVIDSON : 1965). Les herminettes recueillies sont de types
variés mais l'ensemble est très comparable au mobilier des
plus anciens niveaux marquisiens (EMORY : 1968, p. 157 et 160), bien plus
que ne le sont les herminettes tongiennes (GREEN : 1968, p. 103), ce qui
paraît confirmer l'hypothèse d'une origine samoane des premiers
colonisateurs de la Polynésie orientale. Les travaux de J. M. Davidson,
aux îles Tonga, ont révélé des différences
notables entre les sites tongiens et samoans qu'elle a observés
: fortifications, tertres funéraires ou d'habitat, anciens villages.
Elle conclut, provisoirement, à une relative continuité
de la civilisation samoane et, elle aussi, à une évidente
parente de cette civilisation avec celle, archaïque, de la Polynésie
orientale. Les plus anciennes cultures tongiennes seraient, au contraire,
fort comparables à celles de la Mélanésie orientale
(cf. J. M. DAVIDSON 1964 et 1965). En 1963 et 1964, Jens Poulsen a fouillé
plusieurs sites de la plus grande île des Tonga : Tongatabu (J.
POULSEN : 1966, 1967 et 1968). La poterie de type " Lapita-Watom
" mise au jour aux différents niveaux est la seule qui semble
jamais avoir existé aux Tonga, elle y est présente dès
le cinquième siècle de notre ère: J. Poulsen, opus
cité, 1966, p. 89. Les travaux effectués aux îles
Fidji ont confirmé l'hypothèse de J. Golson selon laquelle
la Nouvelle-Calédonie, les îles Samoa et Tonga faisaient
partie d'une même communauté culturelle, antérieure
aux cultures mélanésiennes et ouest-polynésiennes
des derniers siècles qui ont précédé l'arrivée
des Européens: J. GOLSON : 1962, p. 176. R. Green, en réexaminant
les séquences fidjiennes telles qu'elles avaient été
définies par Gifford : E. W. GIFFORD : 1951, précisa une
chronologie de la préhistoire des Fidji (R. GREEN : 1963 et 1964
b), qui fut confirmée par les fouilles de J. Golson et de B. Palmer
à Karabo (B. PALMER : 1965), de BIRKS (1966) et de B. Palmer à
Sigatoka (B. PALMER : 1965 et 1968), de Colin Smart à Kabara, îles
Lau (C. SMART : 1965a et b) et de B. Palmer à Wakaya (B. PALMER
: 1967). La poterie du type " Lapita-Watom ", considérée
comme proto-polynésienne, fut mise au jour dans les niveaux profonds
de plusieurs sites, l'un fut daté de 1290 + ou - 100 avant J.-C.,
(J. GOLSON : 1967, p. 5). Cette phase culturelle appelée par R.
Green " phase de Sigatoka ", se poursuit jusque vers les années
250 avant J.-C. Elle est suivie de quatre autres périodes caractérisées
par l'abandon du type " Lapita-Watom " et l'apparition de nouveaux
types de poterie et d'outillage. La poterie décorée d'incisions
et de reliefs appliqués, connue au sud de la Nouvelle-Calédonie
depuis les premiers siècles de notre ère jusqu'à
la période européenne, n'apparaîtrait que vers 1150
aux Fidji (R. GREEN : 1968, fig. 1). Au nord de la Mélanésie
insulaire, dans les sites éponymes de Watom, les fouilles non encore
publiées de Jim. Specht ont permis de situer stratigraphiquement
la poterie " Lapita-Watom " et de dater les plus profonds niveaux
de 500 avant J.-C. (J. GOLSON : 1968, p. 9-10 et 12). 1-1-2 : LES NOUVELLES
HÉBRIDES ET LA PRÉHISTOIRE OCÉANIENNE Les travaux
que nous venons de signaler ont pour résultat de nous éclairer
singulièrement sur la préhistoire de l'Océanie. Entre
les îles Salomon cependant, la Nouvelle-Calédonie et l'ensemble
Fidji-Samoa-Tonga, un archipel restait vierge de toute fouille archéologique
: les Nouvelles-Hébrides. Les anciens voyageurs, les missionnaires,
les premiers ethnologues avaient depuis longtemps souligné combien
l'aspect physique des hommes variait d'un point à un autre de cet
archipel et même à l'intérieur de chacune de ses îles
principales. Cette variété n'était pas moins frappante
entre les langues, les modalités de l'organisation sociale et des
systèmes de parenté, les habitudes technologiques. Cet ensemble
est à ce point complexe et nuancé qu'il ne peut être
résolu en éléments bien distincts. L'explication
d'une si grande diversité dans un archipel relativement peu étendu
fut souvent cherchée dans d'hypothétiques vagues de migrations
qui auraient eu pour résultat une lente juxtaposition, ou superposition,
d'ensembles culturels, hétérogènes et statiques.
De telles constructions schématiques ne pouvaient être satisfaisantes.
Les travaux récents des ethnologues ont, en effet, révélé
le perpétuel dynamisme des ethnies océaniennes pour lesquelles...
" l'acculturation n'est pas un phénomène récent,
mais une caractéristique permanente... et cela est peut-être
plus vrai encore aux Nouvelles-Hébrides qu'ailleurs " (J.
GUIART : 1956b, p. 225). Il serait vain, pour ces raisons, d'espérer
que l'archéologie puisse, dans un avenir proche, brosser le tableau
simple, complet et cohérent d'une préhistoire néo-hébridaise,
divisée en plusieurs phases synchroniques et diachroniques. Il
importe dans l'immédiat de rechercher et de préciser des
ensembles d'éléments culturels, encore insuffisants pour
une parfaite connaissance de cette préhistoire mais significatifs
pour expliquer le rôle des anciennes civilisations hébridaises
dans l'élaboration du monde océanien et, inversement, l'apport
des autres ethnies océaniennes aux civilisations néo-hébridaises.
Des groupes humains, polynésiens par les caractères physiques
et la langue, sont en effet dispersés dans le sud et le centre
de l'archipel. Cette présence n'est probablement que le résultat
de voyages entrepris par des Polynésiens occidentaux qui avaient
choisi leur itinéraire ou qui avaient manqué le but qu'ils
s'étaient proposé, elle n'est pas la conséquence
des premières migrations polynésiennes parties à
la découverte des régions orientales. Ces polynésiens,
semi-polynésiens depuis leur métissage dans ces îles
mélanésiennes, conservent en effet, sous une forme plus
ou moins mythique, le souvenir de leur pays d'origine. L'hypothèse
d'une présence polynésienne, ou proto-polynésienne,
à l'aube des civilisations néo-hébridaises fut formulée
par des linguistes qui pensaient que les Nouvelles-Hébrides, comme
les îles Salomon, pouvaient avoir été " le berceau
des dialectes polynésiens " (Tadeusz Milewski : 1947, cité
par A. GODLFWSKI : 1964, p. 81). Plus récemment, G. W. GRACE :
1964, p. 367-368, en se fondant principalement sur des études glottochronologiques
supposa que les langues austronésiennes étaient parlées
dans la plus grande partie de la région centrale des Nouvelles-Hébrides
(région Efate-Epi), que ces langues auraient atteint les îles
Fidji, la Polynésie occidentale, puis la Polynésie orientale.
Les langues micronésiennes, excepté celles des Mariannes
et des Palaos, auraient également une origine néo-hébridaise.
Pour Isidore Dyen, la différenciation des langues austronésiennes
serait plus ancienne : 2 500 avant J.-C. et aurait donné naissance
aux langues malayo-polynésiennes, les langues austronésiennes
proprement dites ne s'étant conservées que dans des groupes
peu nombreux et très dispersés. Ces langues malayo-polynésiennes
se seraient différenciées dans une région de la Mélanésie
insulaire qui est, pour G. P. Murdock, la région des Nouvelles-Hébrides
et des îles Banks : Dyen et Murdock, cités par SHUTLER et
SHUTLER : 1967, p. 93. Ces langues auraient ensuite essaimé vers
les Fidji et la Polynésie d'une part, et d'autre part, vers les
Carolines, vers les îles Salomon et la côte nord-est de la
Nouvelle-Guinée. Pour S. A. WuRm : 1967, une langue " proto-océanique
", dérivée de l'austronésien, se serait formée
sur la côte nord de la Nouvelle-Guinée et dans les îles
voisines nord-orientales. Déjà influencée par des
migrations indonésiennes, cette langue proto-océanique se
serait en partie modifiée au contact des langues locales (non-austronésiennes),
une seconde partie, non modifiée, se serait répandue dans
les îles Salomon et aux Nouvelles-Hébrides d'où elle
rayonna vers le Pacifique oriental par l'intermédiaire des Fidji.
Plus tard, des immigrants mélanésiens, parlant une langue
austronésienne déjà modifiée, seraient arrivés
aux NouvellesHébrides, puis aux Fidji. Cette dernière théorie
a l'avantage de tenter d'expliquer les différences raciales qui
existent entre les Polynésiens et les Mélanésiens
en dépit de leur appartenance à la même famille linguistique.
Elle s'accorde avec celle, déjà citée, des archéologues
qui supposent l'existence d'une première migration proto-polynésienne
aux îles Fidji, antérieure à l'arrivée des
Mélanésiens et porteuse de la poterie de type " Lapita-Watom
", hypothèse également soutenue par certains anthropologues
comme W. W. HOWELLS : 1933, cité par Wurm (opus cité). Comme
les deux précédentes enfin, cette théorie linguistique
considère les Nouvelles-Hébrides comme une zone clef pour
la compréhension des processus de peuplement du Pacifique sud.
Il appartenait aux archéologues de chercher dans le sol de cet
archipel, situé sur le chemin qui conduit des îles Salomon
aux Fidji et à la Nouvelle-Calédonie, les traces de l'éventuel
passage de ces proto-polynésiens, il leur appartenait également
d'essayer de préciser les caractères et l'origine des cultures
proprement mélanésiennes et de les situer, dans le temps,
par rapport à cette hypothétique civilisation proto-polynésienne.
Ces deux objectifs principaux devaient orienter la démarche d'une
première enquête sur les temps très anciens de la
préhistoire néo-hébridaise. Ils ne devaient pas,
pour autant, faire négliger l'étude d'une période
moins archaïque dont le souvenir vit encore dans le dédale
des traditions. 1-1-3 : HISTORIQUE DES RECHERCHES ENTREPRISES Richard
Shutler, ancien assistant de E. W. Gifford avec qui il collabora notamment
pour l'étude archéologique de la Nouvelle-Calédonie
(GIFFORD et SHUTLER, jr. : 1956), avait pensé qu'il était
très urgent d'explorer la préhistoire néo-hébridaise,
les résultats d'une telle exploration devant permettre " une
meilleure compréhension des origines et de la dispersion des populations
mélanésiennes et de leurs relations avec les Polynésiens
" (M. E. SHUTLER et R. SHUTLFR jr. : 1965, p. 1). Indépendamment
de ce chercheur américain, Jean Guiart, ethnologue spécialisé
depuis longtemps dans l'étude des populations Néo-Calédoniennes
et Néo-Hébridaises, était arrivé à
une conclusion analogue (J. GUIART : 1961). Ils se rencontrèrent
au Xème congrès des sciences du Pacifique pour définir
un programme de recherches aux Nouvelles-Hébrides et pour soutenir
le projet d'une mission conjointe franco-américaine. En 1963 et
1964, Mary Elisabeth Shutler et Richard Shutler jr. se sont attachés,
sous l'égide du B. P. Bishop Museum, à l'étude des
îles du sud : Aneityum, Tanna, Aniwa, Futuna, Erromango et Efate
(zone de Port-Vila). Ils publièrent un rapport préliminaire
de leurs travaux en 1965 (opus cité). En 1966-1967 M. E. Shutler
et R. Shutler étendirent le champ de leurs recherches au groupe
des îles du Nord. Les résultats des recherches conduites
dans le centre de l'archipel, et dont Jean Guiart fut le promoteur, font
l'objet de la présente publication. Un premier séjour de
six mois (avril-octobre 1964), fut consacré à l'étude
de la zone nord d'Efate, à celle des îles Makura et Tongoa
(groupe des îles Shepherd). Les résultats alors obtenus et
exposés sous forme de rapports préliminaires (J. GARANGER
: 1966a et b), justifièrent l'entreprise d'une seconde mission
(octobre 1966-octobre 1967). Ces deux missions n'auraient pu être
effectuées sans le soutien du Professeur André Leroi-Gourhan,
Professeur au Collège de France et directeur du Centre de Recherches
Préhistoriques et Protohistoriques de la Sorbonne, ni sans le soutien
du Professeur Jean Guiart, Professeur à la Sorbonne et directeur,
au CNRS, de la " recherche coopérative sur programme n°27
" et du Centre Documentaire pour l'Océanie, ni sans l'aide
et l'appui financier de l'Office de la Recherche Scientifique et Technique
Outre-Mer (O.R.S.T.O.M.) et du Centre National de la Recherche Scientifique
(C.N.R.S.). C'est à ces deux professeurs et aux directeurs de ces
deux grands organismes de recherche que je dédie les résultats
de mon travail et, aussi, à mes collègues préhistoriens
et archéologues de France et du Pacifique, aux administrateurs
du condominium Franco-Britannique des Nouvelles-Hébrides, à
mes amis Européens et Autochtones, à tous ceux, en un mot,
qui ont bien voulu me soutenir et m'aider dans ma tâche. 1-2 PREMIÈRE
APPROCHE DE L'ARCHIPEL NÉO-HÉBRIDAIS 1-2-1 : LE MILIEU NATUREL
L'archipel néo-hébridais (fig. n° 4), long de 900 km
environ, a la forme d'un Y orienté du sud-est au nord-est. La latitude
131, sud passe au nord de l'île la plus septentrionale : Hiu (îles
Torrès), la latitude 200 30 passe au sud de l'île la plus
méridionale : Aneityum. L'archipel est compris entre les longitudes
ouest 166° 30 et 170° 20. Il comprend quatre-vingts îles
environ dont la surface totale approche de 13 000 km2. Deux îles
seulement ont une surface supérieure à 2 000 km2 - Espiritu
Santo (4 200 km2) et Malékula (2 080 km2). Cinq îles ont
une surface comprise entre 500 et 900 km2 : Efate, Ambrym, Erromango,
Tanna et Pentecôte, quatre îles : Épi, Aoba, Vanua
Lava et Maewo, ont une surface inférieure à 500 km2 et supérieure
à 200 km2. (J. Guiart in : H. DESCHAWS et J. GUIART, 1957, p. 211).
1-2-1-a : LE CLIMAT La nature insulaire et la situation intertropicale
des Nouvelles-Hébrides confèrent à cet archipel un
climat chaud, humide et pluvieux (fig. n' 2 et 3). La moyenne des températures
avoisine 30° pendant l'été austral et 25° du mois
de mai au mois d'octobre. Ces valeurs varient légèrement
avec la latitude et davantage avec l'altitude. Les écarts journaliers
sont faibles : 6 ou 7°, selon la saison. L'humidité relative
moyenne est élevée : " elle atteint 90,9% à
Santo, en février, à Port-Vila 91,7% en septembre (mesurée
à 5 heures); elle descend en août à Santo à
80,3 % et à Vila à 80,7% (mesurée à 17 heures)
" : J. Guiart, in H. Deschamps et J. Guiart, opus cité p.
215. Ces pourcentages élevés et les températures
également élevées rendent malaisé l'équilibre
humain de la thermo-régulation et " l'ambiance " souvent
inconfortable, ces notions d'ambiance et de confort étant utilisées
dans le sens qu'elles ont en climatologie médicale (cf. Ch. P.
PEcuy : 1961, p. 163-164). Un bilan thermique moins élevé
rend les nuits hivernales plus agréables. Les précipitations
sont abondantes et fréquentes. La hauteur d'eau annuelle peut atteindre
plus de cinq mètres à Santo. Les moyennes mensuelles varient
au cours de l'année et selon l'exposition aux vents dominants.
Dans les îles septentrionales, elles sont très abondantes
pendant l'été austral, lorsque les dépressions tropicales
abordent l'archipel par le nord-ouest ou le nord-est. Les pluies orographiques
sont fréquentes tout au long de l'année et plus abondantes
dans les régions exposées aux vents alizés du sud-est
(cf. fig. 2). Les variations sont donc saisonnières et régionales.
Les mois d'été sont les plus pluvieux, avec un maximum en
février-mars. Le minimum pluviométrique apparait généralement
en juin et septembre. Les moyennes pluviométriques augmentent de
valeur du sud au nord et de l'ouest à l'est de l'archipel. Le nombre
de jours de pluie par mois est rarement inférieur à quinze,
il dépasse toujours 20 jours pendant les mois d'été.
Les averses sont très souvent violentes et soudaines : le 13 juin
1967, par exemple, il est tombé trente centimètres d'eau
en trois heures sur Pentecôte (BIRF : n° 52, 1967). Les moyennes
totales annuelles sont variables et certaines années sont caractérisées
par des périodes anormalement sèches, ainsi, les îles
Shepherd furent privées d'eau pendant plusieurs mois d'hiver en
1966 et l'ensemble de l'archipel a souffert d'une exceptionnelle sécheresse
du mois de juillet au mois d'octobre 1968 (BIRF n' 45 et 46, 1968). L'archipel
est situé au centre de la zone comprise entre l'Australie et la
longitude des îles Tonga, zone connue pour la fréquence et
la rapidité des systèmes dépressionnaires qui s'y
déplacent. La moyenne annuelle des cyclones tropicaux y est de
six à sept. Ils peuvent donner naissance à des vents de
plus de 250 km/h. " Le niveau de la mer peut s'élever rapidement
de deux ou trois mètres quand la marée de tempête
coïncide avec la marée normale ", (F. DOUMENGE : 1966,
p. 22), le paysage littoral est alors profondément bouleversé.
1-2-1-b : LA STRUCTURE ET LES PAYSAGES L'archipel néo-hébridais
(fig. n° 4), se dresse entre deux fosses marines très profondes
qui limitent la zone dite " ligne andésitique " (A. LACROIX
: 1940a et b), le bassin intra-Pacifique à l'est et la zone circum-Pacifique
à l'ouest. L'orogénèse commence à l'oligocène
dans le nord-ouest de l'archipel où la présence d'un socle
plutonique est attestée par l'existence de zones de métamorphisme
de contact. Elle est plus tardive ailleurs: miocène au nord, pliocène
au centre et au sud de l'archipel. Elle est caractérisée
par une succession de subsidences avec sédimentation détritique
ou calcaire et d'exhaussements accompagnés de cassures et de phénomènes
volcaniques violents. Les régions mises en place à partir
de l'oligocène auraient connu trois de ces phases orogéniques
tandis que les autres régions n'en auraient connu que deux au cours
du pliocène et du pleistocène. Cette instabilité
tectonique tertiaire et pleistocène caractérise encore la
période actuelle. Seize volcans ont été ou sont encore
en activité depuis 1800 (Williams in " WILLIAMs et WARDFN
" : 1964, opus cité, p. 41-42), dont neuf volcans sous-marins.
De petites îles sont nées qui ont disparu. Des phénomènes
post-volcaniques se manifestent dans neuf îles au moins. L'activité
volcanique semble d'ailleurs s'intensifier depuis 1960 (F. DOUMENGE :
1966, p. 43). Les séismes sont fréquents et paraissent liés,
d'ailleurs, à ce volcanisme d'orogénèse (C. BLOT
et R. PRiAm 1962 et 1963). En 1963, 1390 séismes ont été
localisés aux Nouvelles-Hébrides (19), dont 96 avaient une
force Mercali variant entre 2 et 7; 865 en 1964 (61 avec des forces de
2 à 6) : M. BENOIT : 1966. Leur nombre s'est élevé
à 1920 en 1967 (BIRF, 8* année : 1968, nO 2). Ces séismes,
lorsqu'ils sont forts, peuvent avoir pour corollaire un rejeu des blocs
le long des failles anciennes, c'est ainsi que le nord de Malekula s'est
soulevé de plus de un mètre en 1965 (A.H.G. MITCHEL : 1966,
p. 37), il en fut de même pour le sud d'Épi en 1966. Éruptions,
effondrements et séismes sous-marins, proches ou lointains, ont
pour conséquence la formation d'ondes solitaires ou tsunamis. Ces
" raz de marée " peuvent donner naissance, près
des côtes, à " d'énormes vagues de déferlement
d'une hauteur de près de vingt mètres " (F. DOUMENGE
: 1966, opus cité, p. 30), d'autant plus dévastatrices que
les îles de l'archipel ne sont pas protégées par une
barrière récifale, mais seulement bordées d'un récif
frangeant... quand elles ne se dressent pas, dépourvues de plate-forme
continentale, à pic au-dessus des profondeurs océaniques.
Iles jeunes et encore instables, " îles de cendre et de corail
", selon l'heureuse expression du géologue Aubert de la Rüe,
leur morphologie est généralement d'origine volcanique,
formes de construction : cônes, coulées, champs de scories,
et de destruction : cratères, caldeiras ou dépressions plus
complexes, nées du rejeu des blocs faillés sous l'action
du volcano-tectonisme. Les plateaux de calcaires coralliens soulevés
sont leur deuxième aspect, mais qui caractérise surtout
les plus grandes d'entre elles, plateaux très souvent karstifiés
comme le sont également les calcaires compacts du miocène
lorsque le métamorphisme de contact ne les a pas altérés.
Vus d'avion, la plupart de ces reliefs apparaissent revêtus d'un
épais manteau végétal qui varie avec la latitude,
l'altitude et la nature du sous-sol : forêt redevenue vierge ou
plus ou moins dégradée et qui, parfois, fait place à
la savane : ici, au contraire, surgissant de la forêt ou perdu au
milieu des flots, le squelette dénudé d'un ancien volcan,
là, le paysage lunaire de la grande caldeira d'Ambryni tapissée
de scories. Les hautes croupes et les plateaux, modelés dans les
matériaux éruptifs ou sédimentaires, sont entaillés
de gorges très profondes, creusées par les eaux courant
à la recherche de leur profil d'équilibre. Les véritables
plaines sont rares dans ce relief juvénile, limitées aux
zones de subsidence comblées d'alluvions et aux vallées
inférieures des plus grandes rivières. Hors de ces plaines,
marquées du quadrillage des cocoteraies européennes, et
des récents hameaux indigènes, seule la tête ronde
des banyans qui dominent le manteau végétal peut indiquer
la présence probable d'un ancien site d'habitat. La prospection
archéologique n'est guère plus aisée au niveau du
sol. Les zones côtières sont généralement bouleversées
par les agents naturels quand elles ne le sont pas par l'activité
humaine contemporaine. Les sols, lorsqu'ils ne sont pas mis en culture,
sont ensevelis sous un enchevêtrement moussu de racines de bourao,
sous les fougères ou les pandanus, Les zones intérieures
des grandes îles sont, elles, difficilement pénétrables
et la prospection des anciens sites y est généralement vaine.
1-2-1-c : LE " CHERCHEUR " ET LES ILES On a beaucoup écrit
sur les difficultés que l'homme en général, et l'Européen
en particulier, rencontrent aux Nouvelles-Hébrides : mer tourmentée
et capricieuse, côtes d'un accès souvent périlleux,
cheminement difficile dans les zones intérieures, chaleur et humidité,
faune pathogène, difficultés d'adaptation à des communautés
ethniques dont la civilisation, la langue, le niveau économique
sont différents et sur qui pèse le poids d'une acculturation
trop précipitée. Il serait hors de propos de s'attarder
sur ces notions déjà fréquemment développées
et, toujours, avec un pessimisme beaucoup trop excessif. L'hostilité
du milieu naturel n'est pas un caractère propre à l'archipel
des Nouvelles-Hébrides, il est commun à toutes les îles
tropicales du Pacifique hors des zones choisies et aménagées
pour le confort des Européens. L'adaptation au milieu humain n'est
impossible que si le chercheur s'abandonne à deux attitudes aussi
différentes que malheureuses : celle de l'homme qui veut, à
tout prix, maintenir le prestige qu'il croit inhérent à
sa qualité d'Européen et celle du chercheur qui, naïvement,
pense convenable et possible de changer brusquement de nature pour s'identifier
au groupe qui le reçoit. L'Européen et l'Autochtone n'ayant
en commun que leurs qualités d'hommes, le chercheur n'a que l'effort
d'affermir en lui ces qualités pour que les relations avec ses
hôtes soient humainement des plus satisfaisantes et pour que son
travail ait quelque chance de succès. Plus importantes à
considérer sont les particularités du milieu naturel. Le
climat, les difficultés de transport sur terre et sur mer, l'éloignement
de tout centre européen dans l'isolement des îles nécessitent
une préparation sélective du matériel à transporter
et des moyens de le protéger -et de protéger les documents
recueillis - contre les intempéries. Les notions de poids et d'encombrement
conditionnent nécessairement le choix de ces impédiments.
Ces obligations restrictives d'une part, la pluie toujours à craindre
d'autre part, et qui ruine bien souvent les structures qui viennent d'être
mises au jour, font qu'il est trop rarement possible, malheureusement,
de conduire les fouilles et d'assurer l'enregistrement des documents avec
toute la minutie souhaitable. Quelle que soit la qualité des sites,
le temps est toujours compté pour décider s'il convient
d'agir rapidement ou de prendre le risque de s'attarder. Les nombreux
phénomènes locaux, anciens ou récents, ayant pu affecter
la disposition naturelle des couches fractures, subsidences ou exhaussements,
ennoyage fréquent des zones côtières, compliquent
singulièrement l'étude stratigraphique des sites, stratigraphie
déjà-peu déchiffrable, en général,
du fait des remaniements profonds des sols par les façons horticoles
propres à ces régions, par le fait, aussi, d'une pédogénèse
très active. L'archéologue est trop souvent contraint à
travailler en stratigraphie artificielle. Les grands cataclysmes, cependant
facilitent parfois l'interprétation de la stratigraphie. C'est
ainsi que dans deux sites, à Makura et à Mangaasi (Efate),
une épaisse couche de sables stériles protégeait
les plus anciens niveaux contre tout risque de remaniement au cours des
périodes plus récentes. Les éruptions volcaniques
elles-mêmes et leurs projections de matériaux pyroclastiques,
jouent, à Tongoa, un rôle protecteur identique. Ces matériaux,
projetés au loin sur des zones en repos ou transportés par
les courants marins sur les différentes plages des îles du
Pacifique occidental (cf. A. LACROIX : 1939), constitueraient un excellent
repère stratigraphique pour peu que l'on puisse, d'une part, dater
les éruptions elles-mêmes, et, d'autre pait, déterminer
l'origine de ces matériaux par leur étude minéralogique.
De telles études viennent d'être entreprises à Nouméa
par deux géologues du C.N.R.S. et de l'O.R.S.T.O.M., F. Baltzer
et H. Gonord, qui tentent d'établir des corrélations entre
les niveaux ponceux repérés dans les sablières de
la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie et les éruptions
les plus violentes des volcans néo-hébridais. Une telle
collaboration entre géologues et archéologues apparaît,
pour l'avenir, comme devant être fort profitable à l'une
et l'autre de ces deux disciplines. 1-2-2- : L'INCURSION DES EUROPÉENS
1-2-2-a : LA PÉRIODE HISTORIQUE En 1568, Mendafia découvre
les îles Salomon qu'il suppose être un pays riche et digne
d'être colonisé. Il y séjourne six mois, puis tente,
pendant vingt-cinq ans, d'obtenir des crédits pour -une nouvelle
expédition auprès de la cour d'Espagne et de son oncle :
le vice-roi du Pérou. Il peut enfin repartir en 1595, découvre
les îles Marquises mais manque les îles Salomon et touche
Santa Cruz où il meurt. Queiros, son second, ramène l'expédition
en passant par la route de Manille. En 1606, Queiros retraverse le Pacifique,
croise dans la région des îles Banks et arrive en vue d'une
grande île qu'il croit être le continent austral si longtemps
cherché, il la nomme : " Australia del Espiritu Santo "
et y séjourne cinq semaines dans la baie de Saint-Philippe et Saint-Jacques,
mais doit fuir devant l'hostilité croissante des indigènes.
Le lieu exact et les traces de son installation restent à découvrir
malgré ce qu'ont pu prétendre certains découvreurs
dont les conclusions trop hâtives sont toujours contredites. Sa
présence n'a guère influencé la population de l'archipel
non plus que celle des grands navigateurs qui croisèrent, après
lui, dans ces parages, à la recherche du continent austral. Seul
Cook, en 1774, semble avoir laissé, comme souvent, un souvenir
plus durable à Tanna. En mai 1826, Peter Dillon découvre
du bois de Santal à Erromango (cf. DAVIDSON : 1956). En 1829, arrivent
les premiers santaliers. Ces troqueurs, hormis quelques hommes exceptionnels,
comme J. Paddon, étaient rarement de moeurs honnêtes. Leur
trafic, d'abord limité aux îles du sud, " coûtait
cher en vies humaines ", de leur côté comme du côté
des Autochtones, (G. S. PARSONSON : 1956, p. 108). Les armes à
feu, l'alcool et les épidémies étaient introduits
aux Nouvelles-Hébrides dont la population diminuait considérablement
dans les régions touchées. En 1828 et 1842, la maladie extermina
" le tiers de la population d'Erromanga et d'Anatom et peut-être
aussi de Tanna " (Parsonson, opus cité, p.108). En 1861, la
rougeole cause la mort de onze-cents habitants d'Anatom et les deux tiers
de ce qui restait de la population d'Erromango disparaît (P.O'REILLY
: 1956, p. 13-15). Une exploitation intense épuise rapidement les
forêts des îles du sud ce qui conduit les santaliers vers
les îles plus septentrionales, l'activité des troqueurs affecta
" ainsi au cours d'un demi-siècle la totalité des Nouvelles-Hébrides
". (J. GUIART: 1957, p. 243). Vers 1840, les plantations des Fidji
et du Queensland souffrant du manque de main-d'oeuvre, les recruteurs
commencèrent à sévir dans l'archipel néo-hébridais.
Dès 1847, un premier contingent d'hommes de Tanna est expatrié
vers l'Australie. Le trafic prend toute son ampleur pendant la guerre
de Sécession, les manufacturiers, qui manquent alors de coton,
se préoccupent d'en développer la culture aux îles
Fidji et dans le Queensland australien où la main-d'oeuvre est
de plus en plus rare (cf. D. L. OLIVIER : 1952, p. 109-110). Le nombre
des expatriés, déportés pour la plupart, est estimé
à vingt-mille en 1882 (P. O'REILLY, opus cité, p. 22), ce
chiffre ne tient pas compte du nombre des Autochtones que des recruteurs
frauduleux, sur le point d'être surpris par les navires de guerre
chargés de contrôler leur activité, firent périr
en mer, en les immergeant, attachés à des chaînes.
John Williams, missionnaire de la London Missionary Society, visite Futuna
et Tanna le 30 novembre 1839, puis Erromango où il est assassiné
par les indigènes de la baie de Dillon (cf. G. S. PARSONSON : 1956,
opus cité). Ces essais d'évangélisation ne pouvaient,
dès l'abord, qu'être malheureux, ils se heurtaient à
des systèmes socio-religieux inconnus mais rigoureux, à
une population naturellement belliqueuse et rendue profondément
hostile par les agissements des trafiquants de matières premières
et de vies humaines. Après avoir envoyé quelques "
teachers " polynésiens dans les îles du sud, la London
Missionary Society confie au Révérend John Geddie le soin
de les diriger dans leur apostolat. Il s'installe à Aneityum en
1848, il y exercera pendant vingt-quatre ans, s'occupant des îles
voisines et préparant l'évangélisation des îles
du centre où, après de nombreux " teachers " dont
le sort fut tragique, les premiers missionnaires européens s'installèrent
vers 1864. L'évangélisation des îles du nord fut plus
tardive. Peu à peu, des commerçants s'installèrent
çà et là sur les côtes, troquant de la pacotille
contre des noix de coco dont ils exportaient l'huile et le coprah préparés
par leurs soins. Vers 1870, les premiers colons, généralement
britanniques, commencent à s'installer sur Efate (Macleod), Epi,
Ambrym et, plus tard, dans les îles du nord (cf. J. GuiART : 1957,
opus cité, p. 244). La colonisation française s'intensifie
sous l'impulsion de la " Société calédonienne
des Nouvelles-Hébrides ", fondée par Higginson en septembre
1882. L'homme blanc n'est plus un personnage de passage ou l'occupant
isolé sur un petit terrain proche d'un mouillage, il exploite des
terres de plus en plus vastes, souvent acquises à un prix notoirement
trop modeste. Le comportement des premiers troqueurs, les premières
difficultés entre les Européens et les populations autochtones
avaient, depuis longtemps, contraint les gouvernements français
et britannique à manifester leur présence dans l'archipel.
Les progrès d'une colonisation hétérogène,
l'appropriation trop souvent abusive des terres, la diversité des
ambitions individuelles et des rivalités politiques, exigèrent
bientôt l'installation sur place, d'un pouvoir administratif. Après
divers tâtonnements, cette administration prit la forme, unique
au monde, d'un condominium franco-britannique (convention de 1906), elle
devait prendre soin des intérêts de chaque ressortissant
des deux puissances signataires. En 1922 seulement, les intérêts
des populations autochtones devenaient l'une des charges de cette administration.
1-2-2-b : LA PRÉHISTOIRE ET LES HOMMES L'histoire de l'archipel
néo-hébridais n'est donc encore que celle des Européens.
Cette arrivée des NéoHébridais dans l'histoire, il
n'y a guère plus d'un siècle et demi, fut trop souvent douloureuse,
les cicatrices des premiers chocs traumatiques ne sont pas toutes fermées
malgré les efforts de quelques hommes de qualité, missionnaires,
colons ou administrateurs, soucieux de maintenir l'équflibre entre
les forces souvent contraires, tout en donnant ce que nos civilisations
peuvent apporter sur un plan économique et culturel. Aucune civilisation
ni aucun homme ne peut vivre sans passé. Le malaise est grand dans
ces îles mélanésiennes où le passé des
hommes fut trop brutalement voué aux enfers, où le présent
n'est qu'une incessante hésitation entre le désir de s'opposer
et l'effort de s'adapter à des pensées religieuses, à
des principes d'autorité, à des systèmes socio-économiques
étrangers. " Complexe de frustration " a-t-on dit (E.
F. HaNNEMAN, cité par J. POIRIER, 1949, p. 102), et qui peut être
à l'origine des mouvements d'aspect messianiste en Mélanésie
insulaire, tel le mythe de John Frum à Tanna... " qui n'a
été qu'un moyen, qu'une méthode d'action dont la
forme s'est appliquée à suivre le contour des choses "
(J. GUIART : 1956c, p. 259), complexe de frustration, mais frustration,
non seulement de l'autorité traditionnelle ou des avantages matériels
d'une société industrialisée, frustration du passé
culturel également. La redécouverte de ce passé par
les recherches archéologiques pourraient être plus fructueuses
que les expériences irrationnelles des mouvements de libération
par le renouvellement et la transformation des mythes. Ce n'est pas là
simple spéculation de l'esprit, les résultats acquis au
cours de ces deux missions archéologiques n'auraient pu l'être
sans le concours des Autochtones. Une fois qu'il leur fut démontré
que les recherches préhistoriques pouvaient aider à confirmer
et à préciser la véracité de certaines de
leurs traditions, ils devinrent eux-mêmes des assistants très
attentifs et actifs, et à ce point intéressés que
plusieurs sites ont été étudiés parce qu'ils
le demandaient. Puisse ce premier essai les aider quelque peu dans la
quête de leur passé, puissent, certains d'entre eux, découvrir
et écrire eux-mêmes, bientôt, leur propre histoire!
1-2-2-c : LES PREMIERS DOCUMENTS DE PRÉHISTOIRE, Les premiers voyageurs,
les premiers missionnaires, ont laissé des documents (textes et
iconographies), qui concernent la période des premiers contacts
entre Européens et Néo-Hébridais, période
que l'on peut considérer comme la protohistoire de l'archipel.
Nous nous y reporterons autant de fois qu'il sera nécessaire, il
paraît cependant inutile d'alourdir la bibliographie de tous ces
ouvrages. La bibliographie analytique établie par le Révérend
Père Patrick O'Reilly (1958), étant suffisamment exhaustive
pour permettre à quiconque de s'orienter dans ce domaine. Les premiers
travaux des ethnologues sont eux-mêmes fort utiles. Les théories
relatives aux origines et aux anciennes migrations des Néo-Hébridais
(quand ces problèmes sont abordés), doivent cependant être
considérées avec beaucoup de prudence. Quelle que soit en
effet la valeur de leurs auteurs, ceux-ci ne pouvaient disposer que de
matériaux encore trop peu nombreux. Les recherches postérieures
se sont d'ailleurs heureusement dégagées de ce souci trop
hâtif de synthèses régionales et extra-régionales,
pour s'attacher à l'étude approfondie de problèmes
particuliers, en réservant, pour l'avenir, la mise en comparaison
des connaissances ainsi acquises. Parmi ces derniers travaux, ceux qui
concernent les grands cycles mythiques et l'histoire légendaire,
il s'agit notamment des travaux de J. Guiart (1966), sont des plus précieux
pour orienter l'archéologue dans sa recherche du passé le
plus proche! Les textes recueillis et commentés par cet auteur
guidèrent. avec succès, mes recherches sur le terrain :
cf. infra, sections 2-1-6, 2-3-1 et -2, 3-2-3. Les documents proprement
archéologiques sont extrêmement peu nombreux. La bibliographie,
déjà citée, du Père P.O'Reilly (p. 95), ne
comporte que neuf titres d'ouvrages qui totalisent seulement cent quarante
et une pages. Quelques " mégalithes " y sont décrits,
une sépulture et quelques rares tessons de poterie découverts
à Malekula, à Tongoa, Emae et Nguna. Plus récemment,
Bernard Hébert, administrateur de la France d'Outre-Mer et qui
vécut six ans aux Nouvelles-Hébrides, a publié les
matériaux qu'il recueillit au cours de ses deux séjours
dans l'archipel (B. HEBERT : 1965). La localisation précise des
pièces publiées : soixante-dix-huit tessons dont quatre
du type Lapita-Watom et quatorze objets divers, donne, avec des remarques
sur la nature de certains sites, tout son intérêt à
cet article. L'auteur avait bien voulu me confier, à Nouméa,
l'ébauche de son manuscrit. La conversation que nous eûmes,
à cette époque, juste avant mon départ pour les Nouvelles-Hébrides,
me fut des plus profitables pour entreprendre mes recherches. 1-2-3 :
STRATÉGIE ET TACTIQUE 1-2-3-a : LES OBJECTIFS A l'arrivée
des Européens, les potiers étaient encore actifs et leur
technique peut être étudiée aux îles Fidji et
en Nouvelle-Calédonie, leur art avait disparu déjà
aux îles Salomon et dans une grande partie des Nouvelles-Hébrides
(CODRINGTON : 1891, p. 315). Sur la côte occidentale de Santo, à
Nogugu et Wusi, la technique moderne, étudiée par J. Guiart
et plus récemment par M.-E. Shutler, diffère de la technique
océanienne traditionnelle (modelage ou colombins mais avec emploi
d'un dégraissant) : " tout ce qui pourrait au contraire servir
de dégraissant est soigneusement éliminé "...
alors que Speiser avait, à l'époque de ses recherches, noté
son emploi dans la même région (J. GUIART : 1956, p. 44-47).
Il en résulte une poterie grossière et très fragile.
L'un des objectifs des recherches entreprises était de tenter de
préciser l'époque de l'abandon de la céramique dans
le centre de l'archipel. Douceré signale que la poterie n'était
plus façonnée à l'époque des premiers missionnaires.
Les tubercules entiers étaient rôtis sur la braise ou des
pierres chaudes, les nourritures plus élaborées étaient
cuites dans des plats de bois où l'on jetait des pierres brûlantes,
ou à l'étouffée dans le four canaque, ou à
l'intérieur de sections de bambous verts mais " qu'autrefois,
cette industrie avait dû exister " (Mgr V. DOUCERÉ,
1924, p. 27), ce dont témoignaient les trouvailles de quelques
tessons déjà signalées aux îles Shepherd, à
Emae et à Nguna. Les contacts avec les premiers Européens,
les baleiniers en particulier, qui visitèrent probablement l'archipel
dès le milieu du XVIIIème siècle, pourraient expliquer
cet abandon de la poterie. Nous ne savons pratiquement rien de ces baleiniers
anonymes qui oeuvrèrent dans le Pacifique sud et aucune information
ne permet de confirmer ou d'infirmer une telle hypothèse. Il est
pour le moins surprenant qu'aucun Autochtone ne conserve le souvenir des
temps où la poterie était façonnée ni des
techniques employées. Certaines traditions sembleraient enfin confirmer
que cet abandon est relativement ancien. C'est ainsi qu'à propos
du cycle de Roy Mata (cf. : infra, section 2-1-6), il n'est pas fait mention
de l'emploi d'une poterie pour faire chauffer de l'eau de mer destinée
aux malades, mais d'une coque de noix de coco chauffée sur des
pierres chaudes (J. GUIART : 1966, Lelepa, p. 9). Ailleurs, (J. GUlART
: opus cité, Mele, p. 7), Soghoman, grand guerrier légendaire
de Mele, " ramasse à terre un morceau de poterie, fragment
du vase de Maui Tikitiki ". C'est à ce héros polynésien,
" pêcheur d'îles, qu'on attribue l'origine des fragments
de poterie trouvés en terre " (J. GUIART : opus cité,
Mele, p. 14). Il importait également de découvrir des sites
qui permettraient d'obtenir un échantillonnage suffisant de tessons,
pour préciser les diverses traditions céramiques du centre
de l'archipel, leur chronologie, leurs relations réciproques, leur
origine et leurs rapports avec les autres traditions déjà
connues et étudiées dans le Pacifique occidental. Les résultats
ainsi acquis, de même que les autres documents mobiliers et les
structures mises au jour, pourraient éclairer, non seulement la
préhistoire néo-hébridaise, mais la préhistoire
des autres archipels proches ou lointains. Enfin, l'existence éventuelle
(bien que peu probable) d'un âge pré-céramique était
à vérifier. En ce qui concerne les périodes les plus
récentes, l'enquête archéologique devait tenter de
vérifier la véracité de certaines informations orales.
Dans ce monde sans écriture, et plus que partout ailleurs, la collaboration
de l'archéologue et de l'ethnologue est indispensable pour la recherche
du passé. Dans ce " laboratoire expérimental "
qu'est l'Océanie pour l'ethnologue, celui-ci se trouve aux prises
avec des traditions encore vivantes, mouvantes, complexes, souvent contradictoires
d'un groupe à l'autre parce qu'intentionnellement gauchies par
chacun d'eux à son profit, traditions, de surcroît, désorientées
par l'impact de la pensée occidentale. Si ce premier travail de
l'ethnologue est un précieux guide pour le préhistorien
qui aborde un terrain vierge de toute recherche archéologique systématique,
celui-ci peut, en retour, essayer de retrouver les traces de certains
faits que les traditions recueillies avaient laissés dans le doute
ou l'imprécision et tenter de les localiser dans le temps et dans
l'espace. L'importance des travaux ethno-historiques que J. Guiart avait
déjà effectués dans cette région de l'archipel,
justifiait l'entreprise d'une telle expérience. 1-2-3-b : LA PROSPECTION
DES SITES La prospection de certains sites fut facilitée par les
indications de B. Hebert (cf. : p. 16) ainsi : Erueti et Mele à
Efate, Mangarissu à Tongoa, site dont J. Guiart m'avait également
signalé l'existence. J. Guiart, comme B. Hebert, avait trouvé
quelques tessons de poterie dans le village de Makura. La prospection
des autres sites, non encore repérés, fut lente et difficile.
La couverture végétale, généralement très
dense, rend peu utile l'étude des photographies aériennes.
Certaines zones observées sur la carte ou sur le terrain, paraissaient
propices à l'ancienne installation d'un site d'habitat : mouillages
plus aisés qu'ailleurs et mieux protégés de la houle,
accès plus facile, également, depuis les régions
voisines, présence d'une source ou d'un torrent à débit
relativement constant, phénomène rare dans ces îles
qui manquent d'eau malgré une pluviométrie très élevée.
L'expérience révéla que ces zones n'avaient que très
peu été habitées. C'est que ces populations belliqueuses
choisissaient, dans un souci de protection, les sites difficilement accessibles
mais d'où la vue embrassait un horizon aussi large que possible.
L'îlot Mele, sec et inconfortable, était un abri sûr
contre les incursions des guerriers de la grande terre d'Efate et permettait
de contrôler toute la baie de PortVila, depuis la pointe du Diable
jusqu'à la pointe Pango. Le site de Mangaasi, l'un des plus riches,
est, vers l'intérieur, cerné par de hautes falaises, il
est très difficilement accessible en pirogue dès que la
mer est quelque peu agitée mais il permet de surveiller l'ensemble
du bassin de Port-Havannah et les passages entre la pointe Tukutuku, l'ilôt
Retoka et Lelepa. La basse vallée du Creek AI, au contraire, fut
inhabitée, elle est large, accueillante, l'une des mieux arrosées
d'Efate et débouche sur un excellent mouillage, accessible en tout
temps. Certains anciens villages sont connus des Autochtones mais, du
fait de la dispersion et de la mobilité des anciens habitats, la
localisation du site est toujours imprécise et celui-ci est rarement
le dernier niveau d'une stratigraphie plus profonde. La marche et la quête
des indices superficiels restent la seule méthode de prospection
et, la densité des tessons repérables en surface, la seule
indication d'un site qu'il peut être utile de sonder. Malheureusement,
ces tessons n'apparaissent généralement que là où
le sol est cultivé, ce qui interdit toute investigation profonde.
Des sondages étaient alors effectués dans la brousse ou
les jardins les plus avoisinants et laissés en jachère.
Ils étaient pratiqués le long d'un axe plus ou moins arbitraire,
par rectangles de un mètre cinquante sur deux mètres de
côté, irrégulièrement alternés, et par
couches de vingt centimètres d'épaisseur. Lorsque l'un de
ces sondages se révélait plus heureux, la fouille était
étendue à partir de ce point, parallèlement et perpendiculairement
à l'axe principal et, horizontalement, au niveau de la couche repérée.
Il est évident qu'une telle méthode est lente, coûteuse
en énergie et souvent décevante mais c'est la seule dont
on puisse disposer dans ces îles tropicales encore vierge de toute
recherche archéologique. 1-2-3-c : L'ÉQUIPE DE FOUILLI Sur
le terrain, le deuxième souci d'ordre méthodologique est
celui de se faire accepter et de pouvoir constituer une équipe
de fouilleurs efficaces, satisfaits de leur emploi et intéressés
à leur tâche. L'archéologue est un intrus dans la
société autochtone. Les simples relations d'employeur à
employés, sanctionnées par un échange monétaire,
sont ici insufrisantes. Les océaniens sont exigeants pour ce qu
est des qualités humaines et estiment très rapidement, et
à son juste prix, la valeur de celui qui débarque dans leur
île. S'il ne peut apporter que de l'argent, il ne récoltera
que ce que vaut cet argent : un simple travai musculaire. Des liens d'une
autre qualité peuvent et doivent s'établir entre le groupe
et l'Étranger. Croyance et traditions veillent sous les attitudes
modernisées et il y a grande indiscrétion à soulever
ce voile et plus grande indiscrétion encore à toucher au
domaine des morts. Il est donc non seulement nécessaire de se faire
accepter mais encore indispensable d'obtenir que sa curiosité ne
soit pas indiscrète et que le groupe lui. même participe
à l'intérêt de sa recherche. C'est le chef du village
qu'il faut voir le premier, il faut lui expliquer les motifs de sa venue
et lui demander conseil : s'il se dérobe, il faut attendre. Il
est bon de visiter avec lui son territoire, de commencer ainsi la prospection
des sites puis de lui demander de choisir un assistant. Il est préférable
que ce dernier soit d'un grade assez élevé : l'atavi du
chef, par exemple, c'est-à-dire l'homme chargé de maintenir
la paix. Cet homme, toujours respecté, facilitera les rapports
entre les individus et les groupes voisins et évitera au chercheur
de commettre des maladresses dans son comportement. Pendant quelques jours,
la prospection des sites sera l'occasion de se connaître, de s'expliquer,
de s'estimer. Un second assistant, choisi par le premier, sera ensuite
placé sous son autorité. Lorsque vient le temps d'entreprendre
les sondages et les fouilles, une équipe plus importante doit être
constituée. Il est habituel que le chef local demande une rotation
hebdomadaire des équipiers afin que l'argent des salaires soit
équitablement réparti dans le groupe et que les différents
travaux nécessaires à la vie quotidienne des familles ne
soient pas trop longtemps perturbés. Il est possible d'orienter
ces mouvements de main-d'oeuvre et de reprendre peu à peu, chaque
semaine, des fouilleurs déjà remarqués pour leur
intelligence, leur habileté et leurs qualités personnelles,
favorables à un heureux équilibre de l'équipe. Cette
équipe est à recréer dans chaque île mais il
pourrait sembler nécessaire de conserver partout le même
assistant une fois qu'on a pris la peine de le bien former et que lui-même
a pris goût à la recherche. Ceci n'est possible que s'il
possède de rares qualités d'adaptation car lui-même
est un intrus dans les pays qui lui sont étrangers. Il lui faut
le courage et le savoir d'assurer sa propre autorité sans gêner
celle de la hiérarchie locale. Il risque autrement d'avoir la faiblesse
de passer vainement son temps à chercher une attitude qui puisse
convenir à sa situation nouvelle et de séparer l'Européen
du groupe autochtone en allant de l'un à l'autre et en jouant un
incessant double jeu nuisible au travail, à chacun comme à
lui-même.
TABLE DES MATIERES
1 INTRODUCTION GÉNÉRALE
1-1 JUSTIFICATIONS DES RECHERCHESENTREPRISES
1-1-1 La préhistoire océanienne
1-1-2 LesNouvelles-Hébrides et la préhistoire
océanienne
1-1-3 Historique des recherches entreprises
1-2 PREMIÈRE APPROCHE DEL'ARCHIPEL NÉO-HÉBRIDAIS
1-2-1 Le milieu naturel
1-2-1-a Leclimat
1-2-1-b La structure et les paysages
1-2-1-c Le chercheur et lesîles
1-2-2 L'incursion des Européens
1-2-2-a : La périodehistorique
1-2-2-b : La préhistoire et les hommes
1-2-2-c : Les premiersdocuments de préhistoire
1-2-3 Stratégie et tactique
1-2-3-a :Les objectifs
1-2-3-b : La prospection des sites
1-2-3-c : L'équipe defouille
2 ÉTUDE DES SITES
2-1 : LA RÉGION D'EFATE
2-1-1Introduction
2-1-1-a : Structure et relief
2-1-1-b : La périodehistorique
2-1-1-c : Les régions archéologiques
2-1-2 Larégion centrale d'Efate
2-1-3 La région sud d'Efate
2-1-3-a :Maniura
2-1-3-b : Erueti La poterie L'outillage lithique
et coquillierÉléments de parure
Conclusion
2-1-4 : La région sud-ouestd'Efate
2-1-4-a : Prospection des sites
2-1-4-b : La plaine de Mele
2-1-4-c :L'îlot Mele L'outillage lithique,
coquillier et osseux, Lessépultures de l'îlot Mele, Orientation
des sépultures,Parures, Chronologie et conclusion
2-1-5 La région nord et nord-estd'Efate
2-1-6 La région occidentale d'Efate
2-1-6-a : Lelepa La poterieà Lelepa, L'outillage
lithique et coquillier, Lelepa, conclusion
2-1-6-b: La côte occidentale d'Efate
2-1-6-e : Mangaasi Problèmes destratigraphie,
Les sépultures de Mangaasi, L'outillage lithique,coquillier et
corallien, La poterie à Mangaasi, Mangaasi, conclusion
2-1-6-d : Retoka Prospection de l'îlot, La
sépulture collective deRoy Mata
2-2 LA RÉGION DE MAKURA
2-2-1 Makura, Emae et le RécifCook
2-2-2 Makura, prospections et fouilles
2-2-2-a : Prospection del'île
2-2-2-b : Makura, sondages et fouilles
2-2-2-c : Makura,chronologie et conclusion
2-3 LES ILES SHEPHERD, KUWAE ET TONGOA
2-3-1 Lesîles Shepherd et la légende
de Kuwae
2-3-2 Recherchesarchéologiques à
Tongoa
2-3-2-a : Tongoa
2-3-2-b : Les niveauxpré-volcaniques de
la côte sud-est de Tongoa Prospection dessites, Euta, Mangarisu
2-3-2-c : Les niveaux post-volcaniques à
TongoaProspection des sites, La côte de Mangarisu, Le territoire
de Mangarisu,Itakoma, Panita, sépultures des Matariliu et de Ti
Tongoa Liseiriki2-3-3 Tongoa, essai de chronologie
2-3-3-a : Chronologie absolue etstratigraphie
2-3-3-b : Les périodes à céramique
Lapoterie décorée d'incisions et de reliefs appliqués,
Lapoterie d'Aknau, dite " à incisions internes ", L'outillagelithique
et coquillier des périodes à céramique
2-3-3-e :Les périodes sans céramique
Kuwae, Tongoa après lecataclysme
3 :RÉSULTATS ET PERSPECTIVES
3-1 : TYPOLOGIE COMPARÉE
3-1-1 : L'outillage lithique
3 1-1-a : Les herminettes
3-1-1-b : L'outillagedivers
3-1-2 L'outillage coquillier et corallien
3-1-2-a : Herminettes etherminettes gouges
3-1-2-b : Outillage divers
3-1-2-c : Le problème deshameçons
3-1-3 La céramique
3-1-3 a : Les différentestraditions
3-1-3-b : Pétrographie des dégraissants
3-1-4 Parureset mobilier funéraire
3-1-4-a : Parures
3-1-4-b : Aménagement dessépultures
individuelles et mobilier funéraire
3-1-5 Typologie etorientation des sépultures
3-1-5-a : Les différents types desépultures
3-1-5-b : Les structures funéraires superficielles
3-1-5-c : Orientation des sépultures
3-2 CHRONOLOGIE
3-2-1 Lachronologie absolue
3-2-2 Les différents ensembles culturels
3-2-2-a :Le premier peuplement et la poterie dite
" de Mangaasi "Évolution, Origines, Diffusion
3-2-2-b : Les cultures intrusives
3-2-2-cLa période récente et l'abandon
de l'art céramique Lespirogues " venues du Sud ", Les
relations avec le Nord
3-3PERSPECTIVES DE RECHERCHES
3-3-1 De l'imprécision de certainsrésultats
3-3-2 Mobilité et immobilité dans
les culturesocéaniennes
3-3-3 La Micronésie et les Nouvelles-Hébrides
3-3-4 De la valeur des traditions en Océanie
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