PREFACE
Voici une nouvelle édition de "Tahitiens"
La première avait vu le jour en 1962 et, malgré un tirage
relativement important, était épuisée depuis plus
d'un an. La préface de ce répertoire en disait le pourquoi
et le comment, en précisait la méthode, en indiquait l'esprit,
en signalait l'intérêt. Nous ne la reprendons pas. Les résultats
sont là. Ils ont confirmé nos intentions. Notre but, aujourd'hui,
reste le même, un peu plus focalisé peut-être. Hormis
quelques exceptions en faveur de notabilités locales, nous avons
pratiquement supprimé un certain appareil bibliographique signalant
des études sur le personnage et la liste de ses écrits.
L'utilisateur courant n'est guère concerné par ces références
de pure érudition. Une solide bibliographie de Tahiti existe maintenant.
Elle constitue le n°14 des Publications de la Société
des Océanistes. Chercheurs et érudits la connaissent et
peuvent aisément s'y reporter. La typographie est actuellement
trop coûteuse pour gaspiller une seule ligne de composition. Ainsi,
par exemple, pour chaque missionnaire protestant nous n'avons pas jugé
utile de renvoyer aux Registres... de la L.M.S, ni, pour chaque catholique,
au tome 21 de la monumentale Bibliographie missionnaire de Streit, uvres
qui apportent par le menu la liste des lettres et publications des intéressés.
Par ailleurs, cette édition est tout à fait autre chose
qu'une pure et simple réédition du travail de 1962. Grâce
à un récent séjour à Tahiti et malgré
l'abandon amical de Raoul Teissier, collaborateur de la première
heure, absorbé aujourd'hui par d'autres tâches, l'ouvrage
a pu être repris en sous-main, revu et très sensiblement
accru. Pour parler en termes chiffrés, le nombre des notices a
été porté de 1480 à 1875, tant par l'insertion
des 205 entrées du Supplément paru en 1965 que par la rédaction
de 140 entrées nouvelles. Elles correspondent, soit à des
notices sur des personnages ayant un rôle dans cette dernière
décade, soit à des lacunes ou "omissions" de la
première édition qui ont pu être réparées
et comblées. Il y a encore des omissions, bien sûr - mais
que faire contre certaines inerties, des modesties abusives, voire même
des refus, courtois certes mais très fermes ? Un humoriste m'écrivit
même - péché d'orgueil ou excès d'humilité
? : "Je suis à l'âge où l'on fait, un peu malgré
soi, un bilan de sa vie et je ne parviens pas à découvrir,
dans ma contribution à la vie tahitienne au long de ces quarante
dernières années, la moindre particularité capable
d'intéresser vos lecteurs qui se consoleront facilement d'ignorer
ma date de naissance et le lieu de mes premières études..
en attendant celle d'un décès qui ne saurait guère
tarder, mais que, malgré tout mon désir de vous être
agréable, je ne suis pas encore en mesure de vous préciser"...
Par ailleurs, les notices des familles déjà mentionnées
ont été, dans la mesure du possible, mises à jour
et toutes les erreurs relevées, corrigées. Remercions, à
ce propos, les personnes qui ont bien voulu nous aider. J'entends souvent
dire : "Votre livre fourmille d'erreurs !" Et lorsque j'ai le
temps d'aller visiter ces bienveillants critiques, un carnet à
la main et heureux de songer aux améliorations que je vais, à
bon compte, pouvoir apporter à mon travail, je dois constater que
le verbe "fourmiller" n'a pas le même sens dans leur bouche
que dans les dictionnaires. A peine parvient-on à me préciser
deux ou trois fautes, le plus souvent vénielles, voire même
simples coquilles. Car il arrive que les Tahitiens n'aient pas le même
prénom à l'état civil et dans la vie courante, ou
que le marbrier du cimetière soit en désaccord avec les
registres de décès ! Ceci dit, me voici d'autant plus libre
pour rendre grâce à quelques amis minutieux et informés.
Mentionnons en toute première place le gouverneur Léoncejore
et le capitaine Georges Bailly qui, chacun dans leur spécialité,
ont bien voulu m'adresser des listes précises d'erreurs, manifestes
ou cachées. Il n'y aura pas, dans cette édition, un seul
capitaine au grand cabotage ou un seul ancien élève de l'Ecole
coloniale, du Borda ou de Polytechnique, qui n'ait maintenant justifié
de son titre, un seul navire entré ou sorti de Papeete dont la
date n'ait été vérifiée sur les registres
du Port. A Papeete, j'ai, une fois encore, et cent fois plutôt qu'une
mis à l'épreuve l'efficacité et la courtoisie de
Pauline Rey pour des recherches d'état civil Mme Leverd, à
l'Hôtel de ville, consentait même à m'ouvrir ses registres
en dehors des jours et des heures régulières de consultation
! La science de Me René Calinaud, magistrat d'une érudition
imbattable sur les îles de son ressort, me fut aussi précieuse.
Me Gérald Coppenrath voulut bien me préciser certaines carrières
politiques et mettre en forme des notices particulièrement délicates.
Au service des Terres, Me Denise Goupil se montra d'une remarquable dextérité
généalogique, raboutant les filiations les plus tahitiennes
avec un brio et une rapidité sans pareil. Elle vint à bout,
en un temps record, des descendances Colombani et Marcantoni, Corses procréateurs,
féconds comme des araignées. Abandonné à mes
propres forces, j'y serais encore ! Comme je serais encore tombé
dans de nombreux culs-de-sac et impasses sans le concours aussi discret
et subtil que constant et protéiforme du Dr Paul Moortgat, ami
incomparable, mentor infatigable et heureux sourcier. Une seule ombre
amère parmi ces agréables souvenirs, celle de la zélée
Tahitienne qui, chargée à la Mission du nettoyage de ma
chambre, fit, dans un trop large coup de balai, passer sur sa pelle à
balayures tout un dossier aux feuillets sans doute un peu bien négligemment
déposés dans un coin de la pièce. Et avec quelle
diligence ! Ça ne traîna pas. Un quart d'heure plus tard,
mes notes sur le personnel des missions passaient au four à détritus.
Que pasteurs et curés, diacres et évangélistes me
pardonnent l'insuffisance de quelques notices, voire même peut-être
des omissions. Il n'y a pas d'assurances contre certains cataclysmes !
Les "tornades blanches" causent parfois d'irréparables
désastres ! Et maintenant, cher lecteur, après avoir cherché
et, je l'espère, trouvé le renseignement désiré
sur quelque notabilité de la Polynésie française,
s'il vous reste quelques instants, ouvrez ce livre n'importe où.
Vous y trouverez un petit morceau de l'histoire de Tahiti, taillé
à la mesure même du personnage qui en fut le héros.
Des grands chefs tahitiens du temps de Pomare aux membres de l'Assemblée
Territoriale, toute l'histoire de la Polynésie française
est contenue dans ce livre où vous retrouverez, famille par famille,
nom par nom, trace de tous ceux qui jouèrent quelque rôle
dans la vie économique, sociale, politique ou littéraire
à Tahiti et dans les îles, depuis l'arrivée des premiers
navigateurs.
Paris, 16 juin 1974.
|