Introduction
Le but de ce travail a été d'étudier le fonctionnement
du corps de métier de tufuga, nom que l'on donne aux charpentiers
traditionnels de l'île Wallis. J'avais observé que les tufuga
maniaient l'herminette avec d'autres outils pendant une construction.
J'avais moi-même utilisé l'herminette avec un oncle tufuga
pour confectionner un kumete (plat usuel) et je m'étais rendu compte
qu'il avait une technique précise pour construire ce plat dans
la masse et qu'il procédait par étapes. J'avais été
étonné de voir avec quelle aisance il avait taillé
le bois et était arrivé à fabriquer un bel objet
avec des outils d'un autre âge. Je m'étais dit que ce corps
de métier traditionnel devait posséder un savoir ancestral
qui, avec le temps, risquait de disparaître. En 1979, j'ai suivi
une formation aux Iles Loyautés (Lifou) où existait une
section de sculpture d'art mélanésien, mise en place par
le Territoire de Nouvelle-Calédonie. Les sculptures étaient
réalisées avec des ciseaux ???poss??? et percutés
avec un maillet. Je pus accéder ensuite à une formation
muséographique en Métropole, de 1982 à 1984, à
la Direction des Musées de France. J'ai pu travailler dans les
réserves de différents musées nationaux où
j'ai eu tout le loisir de contempler les productions des artisans du Pacifique.
Mais c'est en suivant les différents séminaires au Collège
Coopératif que j'ai eu le projet de faire un mémoire sur
la pratique des charpentiers traditionnels wallisiens appels tufuga. De
retour à Wallis en 1984, j'ai participé activement à
diverses constructions au cours desquelles j'ai manié les outils
du charpentier et appris les techniques précises de ces constructions.
Nous avons intitulé notre mémoire : "Technologie traditionnelle
à Wallis". Pourquoi ? Tout simplement parce que cette recherche
étudie les divers éléments, procédés,
méthodes employés par les charpentiers traditionnels appels
tufuga pour bâtir, construire, fabriquer un ouvrage à Wallis.
Quant au sous-titre: "Essai de sauvegarde de la mémoire collective
des charpentiers du district de Hihifo", il s'explique par le fait que
c'est pour essayer de sauvegarder cette technologie traditionnelle qu'utilisent
les charpentiers wallisiens, technologie que plusieurs générations
de tufuga (charpentiers) ont utilisée et retransmise jusqu'à
nos jours , que cette recherche a été menée auprès
des charpentiers d'un des trois districts de l'île Wallis appel
Hihifo, dont je suis originaire. L'hypothèse de départ est
que les charpentiers wallisiens possèdent une technologie, c'est-à-dire
un ensemble de règles qui leur permettent de construire et de bâtir
différents ouvrages. En effet, dans la société wallisienne,
nous trouvons nombre de constructions et fabrications telles que: les
constructions de pirogues, de fale (maisons traditionnelles), d'objets
usuels et rituels, et autrefois la taille de la pierre pour la confection
de murs de soutènement, de tertres. Ces charpentiers, pour fabriquer
ou confectionner, n'utilisent aucun mètre pour mesurer, aucun niveau
pour trouver une horizontale ou une verticale et cependant ils confectionnent
des constructions ou fabrications dignes des meilleurs charpentiers modernes
qui utilisent des machines et des instruments de mesure très précis
dans les diverses constructions et fabrications. A partir de ces constats,
la question pose est la suivante: quelles sont les règles et quelles
sont les diverses caractéristiques d'une telle technologie ? Afin
de répondre à cette question, cette recherche a été
menée auprès des tufuga eux-mêmes, en respectant la
méthodologie suivante. Muni d'un aide-mémoire, j'ai procédé
à une série d'entretiens des praticiens qui étaient
reconnus comme tufuga dans le district de Hihifo, entretiens portant à
la fois sur les procédés techniques et sur les processus
sociaux liés à une construction ou fabrication. Mais ces
entretiens à eux seuls se révélèrent insuffisants.
En effet, beaucoup de procédés techniques et processus sociaux
n'apparaissaient pas dans les discussions, par exemple le traçage,
acte primordial que l'on doit maîtriser, de même que l'utilisation
des outils traditionnels comme l'herminette. Aussi a-t-il fallu procéder
à une observation "participante". Pour cela, j'ai été
amené à participer aux diverses constructions de pirogues,
de fale (maisons), d'objets rituels et fonctionnels...démarche
indispensable pour appréhender de l'intérieur cette "technologie
traditionnelle". Les tufuga interviewés dans le district de Hihifo
ont été: Pour le village de Vailala Visesio Pale et Thomas
Seleone. Pour le village de Vaitupu Lafaele Lama et Taniela, fils de Vili,
ainsi que Mikaele Sataua Toimoana, actuellement chef des tufuga du district.
Pour le village de Alele: Felise Toke et Titako Toke, ainsi que Sapoma
Sefo (qui réside actuellement à Nouméa)
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE
L'île de Wallis : présent et passé
CHAPITRE 1 : L'organisation actuelle de l'île
de Wallis
I. Situation géographique et bref historique
II La situation économique
III. Le statut politique du Territoire
CHAPITRE II : L'organisation sociale traditionnelle
I. - L'organisation politique traditionnelle
- Deux catégories de personnes et particularités
- Les chefs de villages
- Le grand chef
- Le Roi et son conseil
- Les clans et le foncier
II. - L'organisation économique
- La famille
- Les produits de subsistance
- L'élevage
III. - L'organisation socio-culturelle
- La répartition des tâches
- L'éducation des jeunes
- Le mariage
Conclusion de la première partie
DEUXIÈME PARTIE
CHAPITRE III : Comment on devient tufuga
I. - Légende de Lornipeau
II. - Les tufuga aujourd'hui
III. - La formation du futur tufuga
IV. - L'acquisition du titre de tufuga
V. - Le rôle du tufuga dans la société traditionnelle
CHAPITRE IV : Comment on passe commande au tufuga; les rituels des différentes
demandes
I. La commande d'une construction
II Les particularités de certaines demandes de constructions
- Exemple d'une demande de type individuel, faite avec un mau kava
(racine de kava) en passant par le grand Chef du district ou le Chef
de village
- Exemple d'une construction publique appartenant au district de
Hihifo mais construite à tour de rôle par les villages
pour leur propre district
- Autre exemple de demande de construction faite au Chef de district
- Exemple de demande de construction appartenant à un village
et faite à un tufuga d'un autre village
III. - Le rituel pour une demande de construction (de type individuel)
IV. - Le rituel pour une demande de construction publique pour un village,
un district, le pays
CHAPITRE V : La répartition du travail
dans les différents types de constructions
I. - La répartition du travail dans les travaux de type
individuel
- Pour un fale (case d'habitation)
- Pour une pirogue
- Pour un objet
II - La répartition des tâches dans les travaux de type collectif
- Pour un ouvrage public au niveau du village
- Pour une construction publique du district
- Pour une construction publique au niveau du pays
III. - La rémunération des tufuga
IV. - Un exemple concret : la construction d'une pirogue racontée
par Timo Mikaele du village de Vailala (district de Hihifo)
- lère journée de travail
- 2ème journée de travail
- 3ème journée de travail
- 4ème journée de travail
- 5ème journée de travail
- 6ème journée de travail
- 7ème journée de travail
- 8ème journée de travail
- 9ème journée de travail
Conclusion de la deuxième partie
TROISIÈME PARTIE Technologie et connaissances de base
CHAPITRE VI : L'outillage des tufuga
I. Lame de pierre, lame de fer : les premiers témoignages
écrits
II. Les différents types d'herminettes
- Le toki sila
- Le toki liu
- Le toki lao lao
III. Les autres types d'outils
- La hache
- Les hachettes
- La scie
- Le vilebrequin
- La râpe
- La lime ou pierre à affûter
- Le marteau
- Le sabre d'abattis
IV. Les accessoires
- moi mamala
- lago
- tua
- huo
- kapi
- kauta
- kau i sipi
- maea
- kafa
- fao akau
- fao ukamea
- hau
- hui
CHAPITRE VII : Les systèmes de mesure
I. - Les parties du corps comme système de mesure
II. - La ficelle
III. - Le bâton
IV. - Le afo
CHAPITRE VIII : La connaissance du bois
I. L'anatomie du bois : la terminologie
II. L'utilisation de la lune dans l'abattage
III. - L'abattage de l'arbre
IV. - Le halage
CHAPITRE IX : Les techniques de base
I. Le traçage : utilisation du coup d'œil
II. Les techniques de l'utilisation de l'herminette
- Les techniques d'attaque du bois
- Manière de diriger l'herminette pour atteindre la précision
III. - Les techniques d'ajustage et d'assemblage
Conclusion de la troisième partie
QUATRIÈME PARTIE Un exemple de l'art des tufuga: La construction
d'une pirogue
Introduction de la quatrième partie
CHAPITRE X : La construction d'une pirogue:
le travail en forêt
I. L'abattage de l'arbre
II. Du tronc d'arbre à la quille
III. La confection des planches
CHAPITRE XI : De la forêt au chantier
I. - Les travaux de finition de la quille
- Les entailles
- Confection d'une membrure longitudinale
II. Le choix de la tonture de la coque
III. Emplacement de chaque pièce ou principe de l'assemblage
de la coque de la pirogue tafa aga
- La poupe et la proue
- Technique pour ouvrir ou fermer latéralement les parois
de la coque de la pirogue
IV. L'ajustage de la coque
- La construction des bordés
- La confection de la membrure inférieure
- L'utilisation du hama (terre boueuse)
- Les rajouts
- La fixation
- Technique de fixation par la ficelle (kafa)
- Technique pour ligaturer un assemblage
V. - Montage et assemblage des différentes parties de la coque
- Le bordage de la coque
- Mesure et construction des couvercles
VI. - Le calfatage
CHAPITRE XII: La construction et la fixation du balancier
I. - La construction du balancier
- Emplacement du balancier (ama)
- La confection des traverses (kiato)
- La construction du balancier
- Les barreaux de fixation
- L'assemblage du balancier
II. - La fixation du balancier
- Fixation des deux premières traverses
- Pose des barreaux de liaison
- Pose des autres traverses et longerons
- Pontage de la coque
Conclusion de la quatrième partie
CONCLUSION GÉNÉRALE
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